C’est la vedette des fêtes de fin d’année, celle qui s’invite à toutes les tables, garnit les ballotins, fait fondre les invités, donne des étoiles dans les yeux et participe à la magie de Noël… de la petite envie au plaisir extrême, du produit délicat et gourmand à l’industrie : et si on visitait l’un des plus fameux eldorado du cacao ?
Exit les produits chocolatés génétiquement transformés au goût insipide de cacahuètes et autres fruits à coques, suivez donc moi dans la vallée secrète et authentique du Sambirano du nord-est de Madagascar pour une dégustation intimiste et non moins délicieuse du fameux breuvage divin !
Située sur la Grande Terre à moins d’une heure en bateau rapide d’Hell-Ville au large de Nosy Be, la bourgade d’Ambanja – chef-lieu du district – distille véritablement des airs de bout du monde, tout en jouissant pourtant d’une activité commerciale intense. Ici, le cyclo-pousse a détrôné en grande partie le pousse-pousse et le taxi bé et les étals du marché sont garnis de poissons et de fruits.
A quelques coups de pédale de l’agitation du centre-ville, on se faufile librement en deux roues sous les allées ombragées et parfumées des plantations d’épices et de cacao. Sur un chemin de terre rouge qui séparent les exploitations des terres dites « créoles » où les odeurs de vanille se mêlent à celle de l’ananas, le poivre à la cannelle et au clou de girofle en herbes folles.
Au pied des grands arbres d’ombrage qui s’élancent toujours plus haut vers le ciel (jusqu’à 15 mètres de hauteur) pour protéger les fruits, ce petit paradis des épices et des essences (ylang ylang, vétiver, basilic, patchouli, combava, baies roses…) et des plantes exotiques en tous genres ressemble à première vue d’œil au labyrinthe d’Alice au pays des merveilles ; l’eldorado du cacao est secrètement gardé, à l’abri des visiteurs bruyants et mal intentionnés.
Pourtant, sa discrétion est inversement proportionnelle à la renommée de la plantation, la seule de toute l’île à produire des fèves d’une telle qualité, d’une telle amertume.
Depuis toujours, les alluvions du fleuve Sambirano ont été bénéfiques à la fertilité des sols, favorisant ainsi la production de nombreuses cultures d’exportation. Riche en espèces endémiques, cette vallée permet de cultiver sans engrais la fameuse fève blanche à l’origine du « criollo », une variété de cacao intense et rond en bouche, dont l’amertume révèle des goûts d’agrumes et autres notes finales fruitées. Particulièrement savoureuse, cette variété fragile est associée au « forastero » (résistante), produisant une variété hybride, la « trinitario ».
Malgré tout, si 95% de la production malgache provient d’Ambanja, à l’échelle internationale, le cacao malgache ne représente qu’une infime partie de la demande mondiale (0,4% pour un volume de 6000 tonnes par an).
Introduit à Madagascar dans les années 1900, le cacao était à l’origine cultivé dans les plantations coloniales de l’île. A l’époque, le pays exportait plus de 120 tonnes par an.
L’une des plus anciennes et certainement des plus belles au monde reste la plantation Millot que l’on peut encore visiter pour découvrir les secrets de la préparation de ce chocolat d’exception et où un savoir-faire séculaire se perpétue pour le plaisir des plus grands chocolatiers tel que Valrhona.
Napolitains, barres chocolatées ou confiseries : parmi les chocolateries à fabriquer des chocolats 100% malgaches, la chocolaterie Robert fait figure de proue depuis 1940, offrant à la fois une diversité de goûts et d’arômes. Menakao, une autre marque qui commercialise des chocolats malgaches a trouvé son nom dans le nom des fèves rouges du Sambirano : mena (rouge) et kao (cacao). Le secret de sa qualité supérieure réside dans ses méthodes de fermentation, un savoir-faire ancestral.
Petit à petit, la filière s’est organisée ; les acteurs du marché ont peu à peu instauré des cadres réglementaires (cartes de producteurs et de collecteurs, marchés physiques, contrôle qualité des fèves, etc..).
Possédant 2000 ha de terrain, la Société Malgache d’Industrie et d’Agriculture (SOMIA) assure la production d’un cacao certifié BIO. Mais, elle détient également des terres dédiées à la culture de l’ylang-ylang, de café et de poivre. La société emploie 90 permanents et jusqu’à 700 personnes pendant les périodes de récolte.
Un grand nombre de menaces plane aujourd’hui sur la qualité et la production du cacao malgache : les cyclones, les plants vieillissant qui nécessitent de gros travaux de réaménagement, les pillages nocturnes. Autant de facteurs cruciaux pour assurer la pérennité d’une réputation qui s’est forgée depuis l’époque coloniale.
Comme un grand nombre de secteurs agricoles (litchi, café ou épices), la filière cacao souffre du monopole détenu de main de fer par les exportateurs. La pression exercée sur les coopératives conditionne le prix de vente du cacao, souvent dévalué, une valeur qui échappe aux producteurs, par manque de formation et d’investissement.
Créée en l’an 2000, Ethiquable, la coopérative citoyenne et solidaire, est née à la suite d’un projet de l’AFDI (Agriculteurs français et international development) grâce à un financement international de solidarité.
Ethiquable est associée à Lazan’Ny Sambirano, une union de coopératives qui rassemble l’ensemble des producteurs de cacao d’une association pour le développement de l’Agriculture et du Paysannat de la région du Sambirano, l’ADAPS.
Cette association créée en 2000 soutient les petits producteurs de la vallée dans la commercialisation de leurs productions, dans un but final d’améliorer leurs revenus et leurs conditions de vie.
Une union certifiée bio et Ecocert Equitable qui a également permis l’export direct des fèves de cacao en France, une première pour des producteurs de malgaches de matières premières.
Une indépendance qui constitue un réel succès face au monopole des gros exportateurs. L’appui de l’AFDI a également permis l’amélioration de la qualité pour obtenir un cacao supérieur (plus de 80% de fèves fermentées), une valeur rémunérée jusqu’à 30% de plus qu’un cacao traditionnel. Cette valorisation permet à l’organisation paysanne du Sambirano de trouver sa place en tant qu’acteur économique indépendant dans une filière très industrialisée. Elle sert aussi à ces petits producteurs d’accéder à des crédits pour mieux gérer leur propre commercialisation.
Autant de points forts et d’avancées à la fois technologiques et organisationnelles essentiels pour l’économie malgache, tant pour lutter contre la pauvreté que pour préserver la population de la malnutrition.
D’un point de vue environnemental, la production en agroforesterie (arbres d’ombrage) contribue à la protection d’une faune et d’une flore menacée dans un pays touché de plein fouet par la déforestation, due principalement à la riziculture sur brûlis et à la production de charbon.
Réalisées deux fois par an, les récoltes des cabosses permettent à la population locale d’acheter des produits de première nécessité, mais aussi de financer la scolarité de leurs enfants. Pour un pays pauvre comme Madagascar, ce soutien constitue une réelle aubaine, autant économique que sociale. Ce projet en faveur de l’agriculture paysanne bio mise sur le développement et l’autonomie pour aider des pays comme Madagascar à sortir de la pauvreté, à travers un projet d’utilité sociale et solidaire.
A mi-chemin entre Nosy be, l’Ile au parfum et Diego Suarez, port mythique à la croisée la croisée de la route des Indes et des Comptoirs Arabes du Golfe, la petite commune paisible d’Ambanja ne laisse rien présager d’une telle économie, au vu du peu de touristes qui la fréquentent.
Et pourtant, en tant que fief du cacao, la région du Sambirano a bien plus d’un trésor à nous dévoiler. Derrière la qualité de sa fève savoureuse et précieuse et la confidentialité de a localisation, la culture du chocolat a plus d’une saveur à nous révéler, en bouche et dans les yeux de ses cultivateurs. A l’échelle internationale, c’est un succès qui pourrait presque faire oublier l’amertume des déséquilibres nord-sud… une petite note d’optimisme pour les amateurs de chocolat et d’un monde rural figé ans le temps, encore préservé du tourisme de masse.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le criollo et le Sambirano :
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Un circuit réalisé avec Libertalia Aventure, pionnier du tourisme solidaire dans la région d’Ambanja en partenariat avec l’ADAPS et Vision Ethique grâce à la mise en place de micro projets écotouristiques dans une logique de développement durable.