Sous ses airs de vallée endormie, qui aurait cru que le Val d’Azun pétillait de vie ? Surnommée la vallée bienheureuse, dans ce petit coin de paradis, tout n’est que calme, luxe et volupté…
Perché à seulement 850 mètres d’altitude au-dessus d’Argelès-Gazost, le Val d’Azun rayonne sous l’œil protecteur du grand Gabizos qui trône en maître à quelques dizaines kilomètres à la ronde. Il faut passer la côte d’Arras en Lavedan pour que le décor, bucolique et enchanteur, se découvre. Comme un lever de rideau sur une scène de théâtre. Une apparition divine où tout n’est que grandeur, de la lumière au paysage, de l’habitat aux scènes de vie rurales.
Contrairement à certaines vallées voisines, ici le paysage s’ouvre et respire. On a autant d’air que d’espace pour prendre le temps de contempler ce condensé de beauté naturelle.
Celui qui voudrait voir si l’herbe est plus verte ailleurs, aurait-il tort ?
Pas de circulation, pas de feux de signalisation, pas d’immeuble en béton : ici, tout n’est qu’harmonie et plénitude réunies. La combinaison gagnante pour l’œil, mais aussi pour le bien-être cérébral.
On ne peut être insensible à l’absence de pollution à la fois sonore et visuelle qui fait la part belle à l’agritourisme.
Les moissons dans les champs marquent l’arrivée de l’automne, tandis que les moutons disparaissent au chaud à l’approche de l’hiver. Et pourtant, lorsque je compte ces tendres boules de laine avant de sombrer au pays de Morphée, la douce musique de leurs clochettes continue de me bercer jusqu’au petit matin. Leur présence même fictive fait resurgir des souvenirs d’enfance diffus, des images de lait que l’on partait chercher à la ferme et de moutons qui peuplaient le jardin d’en face.
Alors que la vie s’écoule au rythme des saisons et du pastoralisme, dans le Val d’Azun, on ne se plaint de rien. Ni de l’eau qui jaillit avec bruit, ni du tracteur qui rumine à deux à l’heure, ni même de la Balaguère, ce vent du désert qui s’engouffre dans la vallée avec force et furie, même en pleine nuit.
Ici, l’intensité des verts tendres et phosphorescents des champs et des jardins laisse présager une longue saison humide. Pourtant, même en hiver, le soleil irradie cette vallée réputée pour être parmi les plus sèches des 7 vallées du Lavedan.
Ainsi, en toutes les saisons, la vallée heureuse vous plonge dans une idyllique sérénité, un écrin de nature et de verdure où il fait bon travailler, vive ou encore juste s’échapper !
Et pourtant, malgré ses traits parfaitement dessinés, le Val d’Azun n’est point qu’une peinture que l’on admire. De ses prés sans enclos aux gaves foisonnants, de ses granges disséminées sur les flancs de ses massifs aux cieux étoilés, sa population néorurale redonne vie à une toile aux contours immuables.
A l’image de son paysage, large et aplati jusqu’aux orteils des plus grands sommets, l’esprit d’ouverture de cette vallée fait écho à de véritables désirs d’émancipation et de parfaite autonomie, cela de façon toujours totalement assumée, comme l’histoire le raconte. Mais il est plus question ici de liberté et d’épanouissement que de revendications. Un sentiment omniprésent dans un monde qui paraît se moquer de la vie là-bas, « en bas ».
Poésie, douceur et lenteur… quand tout aspire à une forme de sérénité intemporelle mêlée à une utopie folle, l’illusion collective d’un mode de vie hors du temps, en marge d’un monde meilleur, prône le retour à la simplicité, toujours tourné vers la connexion avec la nature.
Des rapaces qui planent en tous sens d’une montagne à l’autre, des sangliers qui marquent leur territoire quand vous dormez aux chouettes qui hululent en plein milieu de la nuit : ici, la nature n’est jamais dérangée par l’homme pour évoluer dans son environnement.
Juste après le lac du barrage du Tech qui marque la frontière naturelle avec l’Espagne, le parc national déploie un écrin de biodiversité montagnard dans un havre de paix et de tranquillité. Plus qu’un symbole, cette proximité pourrait expliquer et justifier l’ouverture d’esprit et la volonté d’indépendance qui se cultivent en Val d’Azun. Niché en fond de vallée, Arrens semble jouer son rôle de gardien du parc qu’il protège fièrement des invasions touristiques ou industrielles.
L’industrie minière de l’entre-deux guerres a été convertie dans une activité agricole dynamique tournée vers l’élevage et la production de fromage. La terre fertile et nourricière – la Pachamama comme on la nomme en Amérique du sud – profite à toutes les bonnes choses !
Randonnée et ski de fond… dans cette vallée à taille humaine, on y vient aussi tout simplement pour faire une cure d’air pur !
Blotti sous les cols du Soulor et de l’Aubisque qui plongent avec allégresse dans la vallée béarnaise de l’Ossau, Arrens avec ses airs de village de bout du monde ferme la vallée, juste après celui de Marsous.
Balaïtous, Gabizos, col de Couraduque, pic de Pan, pic d’Arrens, col des Bordères : quelques grands noms entourent la vallée bienheureuse, qui se distingue par Ferrières et Estaing, des hameaux excentrés du cœur azunois.
Avec ses bâtisses aux toitures en ardoises d’Estaing datant du XVIIIe siècles conçues selon les besoins agricole (un puits servant comme frigo naturel, poulailler, soue à cochon etc…) et son église Saint-Félix d’Aucun classée des xiie et xviie siècles en son centre, Aucun a l’air de tout sauf de rien. Et pourtant, il ne peut qu’interpeller le curieux, sans aucun doute pour ce que ce mot signifie dans la langue française. Mais à aucun moment, je n’aurais cru que cette commune avait un curriculum vitae aussi dense et palpitant.
Et pour cause, la vallée est passée à deux reprise sous les projecteurs de la télévision : après « Glacé », la série policière avec Charles Berling, c’est l’émission « Nouvelle vie » sur M6 qui a mis en lumière l’histoire de Benjamin et Nicolas, un couple gay venu s’installer à Aucun après avoir vécu de longues années à Londres. Ils ont choisi de changer radicalement de vie en construisant une maison d’architecte à l’orée de la forêt. Ces jeunes entrepreneurs dynamiques participent à l’animation de la vallée ; ils dispensent des cours de swing dans leur commune d’adoption et organisent le premier festival de lindy hop.
La librairie le Cairn à Arras-en-Levaudan fait partie des incontournables de la vallée, un lieu de vie où tout le monde s’arrête. Pour prendre un thé, goûter à une pâtisserie maison, lire ou écouter un concert dans une ambiance intimiste.
Car c’est bien l’intimité qui caractérise le Val d’Azun, cette vallée encore si confidentielle et préservée qu’elle donne l’impression, surtout en hiver, de vivre un film en huis-clos.
Et, lorsque la vallée se couvre d’un doux manteau de coton, avec des airs de petite Sibérie, les espaces immaculés assortis au silence figent le décor tout entier dans le temps. Résolument.
Et pourtant, quand il est temps de partir, on se dit que l’on n’a pas eu le temps. Tu arrives à la fin de l’été et, déjà, c’est le printemps qui pointe le bout de son nez. Alors, soudain, toute cette magie s’évapore en fumée. Avant même d’avoir vendu la peau de l’ours. Mettre fin à sa vie de trappeur montagnard pyrénéen, alors que l’on n’a pas encore croisé le prédateur mythique ?
Comme toutes les histoires, celle-ci a sans doute son secret.
Un voyage dans le voyage ? La preuve que le voyage peut être multiple ! C’est le voyage qui m’a menée ici. J’avais la certitude que l’expérience me plairait. Que je serais en mesure de m’épanouir dans un environnement professionnel familier. Mais ce voyage me réservait une part d’inconnu. Et il est devenu un voyage dans le temps, ce temps suspendu que l’on s’efforce de faire traîner. Un voyage dans un écrin de beauté qui illumine nos cœurs et ouvre nos chakras. Une agréable addiction presque protectrice. Qui, en nous enveloppant dans une bulle imperceptible nous confine dans une légèreté bienveillante et bienvenue. Y-a-t-il vraiment un jour meilleur qu’un autre pour quitter un paradis oublié, hormis le champ infini de l’imaginaire ?
De près ou de loin, je pense avoir effleuré le bonheur…