Un film humaniste et universel, précieux témoignage sur la condition humaine…
Exit les défilés et les piétinements sur le tapis rouge, tout comme les nominations sabrées au champagne face à la baie illuminée par les lumières des yachts… En cette fin période de FIF, j’ai choisi de fuir les flashs des photographes et l’euphorie des touristes affamés de brèves insipides sur les acteurs du show-business pour assister à l’ouverture d’un tout autre festival.
A quelques kilomètres seulement du bord de mer, à l’écart de la foule et de la mascarade, une autre foule de pèlerins passionnés d’images et de voyage accueillait Yann Arthus Bertrand pour célébrer le 30ième anniversaire du festival de photographie de la commune engagée de Mouans-Sartoux.
A travers la projection du film Human, je me prêtais ainsi au jeu d’échapper aux frivolités mondaines pour me rapprocher du vrai visage de notre chère et belle planète, cela dans un format grand écran.
Comme un grand nombre de films présentés en Sélection Officielle à Cannes, YAB fait partie de ces artistes maintes fois controversés, tant pour la forme de son travail que pour le coût rédhibitoire de ses projets photographiques.
Certes, la photographie aérienne nécessite des moyens disproportionnés par rapport aux terres et populations filmées à travers le film. De la même façon, qu’il est facile de porter un regard stigmatisé sur le format esthétique et un brin manichéen des plans superposés les uns après les autres…
A chacun le droit de penser à une accumulation de tristesse ou de misère vouée à l’expression d’un sentiment d’impuissance et de vulnérabilité.
Mais, au-delà de cette première lecture conditionnée par la critique journalistique qui peut constituer une version totalement personnelle et subjective, ce reportage ne véhicule t’il pas des messages essentiels à partager au plus grand nombre ?
En d’autres mots, si l’on suspend la dimension spectaculaire des séquences potentiellement montées pour un objectif sensationnel volontaire, la parole des individus qui se livrent devant la caméra ne résonne t’elle pas avec humilité et sincérité ?
Alors qu’il semble flotter autour de nous une certaine méconnaissance de la condition humaine « de l’autre côté de nos frontières » ou du moins juste à la porte de celles-ci, survient alors la question essentielle de la violation des droits de l’homme, des inégalités, de l’homophobie, de la famille, du bonheur… autant de questions universelles qui relient les êtres humains entre eux au-delà des différences.
C’est alors que l’on s’identifie parfois au discours de l’un, aux interrogations profondes de l’autre ou à la joie du suivant, tellement les problèmes, au-delà de l’histoire propre à chacun des pays et du vécu très personnel, retentit en nous avec sens.
Si les visages, tous parents mais tous différents, défilent dans un rythme semblable et intelligemment calculé (voire trop comme certains sauront le reprocher), les regards et les émotions qui transparaissent dans chaque interview marquent chacun par leur justesse, leur singularité et leur sensibilité…
Cette femme de la caste des Intouchables en Inde qui crie sa douleur, cet homme qui justifie son acte le plus atroce, ces soldats revenus de guerre et victimes de conflits religieux ou encore cet africain à l’humour incisif…
Human s’efforce de mettre l’accent sur tous les contrastes qui reflètent la vie à l’échelle de la planète. Les images de foule avec les mariages en Corée, la piscine en Chine ou un match de foot tranchent avec la solitude d’un l’homme dans l’immensité d’un paysage esseulé.
D’un paysage vert et paisible, la caméra se tourne ensuite vers des terres hostiles et désertiques, où l’on découvre le travail harassant des employés Malgaches dans une mine de sel ou bien les mains qui plongent dans les amoncellements de déchets dans la plus grande décharge publique d’Haïti.
Puis ce long travelling de nuit sur les gratte-ciels de Manhattan, une parenthèse urbaine filmée avec un esthétisme céleste.
Ici, l’eau, source de vie et là, la sécheresse… autant de contrastes qui permettent de saisir la diversité de la planète et surtout la misère humaine avec des messages de paix, de désespoir et cette quête de liberté partagée, mais aussi de sagesse profonde qui nous émeut.
Ainsi, on en retient des leçons qui ne nous laissent pas indemnes par le regard sur le monde que ces témoignages nous apportent… Alors, on souhaite que le message soit bien entendu et surtout compris. Pour que la compassion passe par l’écoute et le regard que l’on pose sur autrui, cela afin que chacun de nous s’efforce de se munir de cette ouverture les jours prochains.
Avec une bande musicale admirablement sélectionnée qui accompagne les images naturellement, Human me rappelle parfois le très beau film de Patrice Leconte, Dogora, des images d’un Cambodge authentique et tourmenté découpées selon la partition d’une suite musicale.
Mais Human ne se contente pas du simple constat en filmant une planète meurtrie, où les hommes subissent avec fatalité eux-mêmes les causes de la méchanceté humaine. En ayant choisi de recueillir la parole de ceux qui peuplent la planète, YAB part en quête de messages qui n’attendent qu’à se concrétiser.
En ce sens, ce film pose la question existentielle suivante : comment changer le monde extérieur depuis l’intérieur en tant que citoyen du monde ? En obstruant nos peurs ?
Sur cette image de l’arbre de vie qui se devine sur le dernier plan, c’est le thème universel de l’impermanence, l’une des vérités premières de la vie qui refait surface…
Est-il réellement utile de donner un sens à la vie si on ne se résout pas à la vivre ? N’est-ce pas les rencontres qui font découvrir la vie, la vraie ? Qu’est-ce que la beauté sur terre si elle n’est autre que le cadeau de la vie ? Qu’est-ce qui agite l’âme dans son immensité ?
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Références biblio/filmo :