Les paradis des indiens Kunas sous toutes leurs coutures…
Parmi les paradis sur terre (ou en mer, en l’occurrence), pourquoi ne pas citer l’archipel des San Blas, ces minuscules îlots coralliens qui s’égrènent au large de la côte Caraïbes du Panama ?
Ourlées d’un lagon turquoise, ces 365 îles – bien que faisant partie du territoire Panaméen – forment une sorte d’enclave autonome sur une longueur d’environ 230 km, depuis Puerto de Obaldia jusqu’à la frontière colombienne : la « Comarca Kuna Yala » (définie en 1953 par la « Carta Orgánica » de la République du Panama), renommée la « Comarca Guna Yala » par la loi du novembre 2010.
Votée sous le Président Ricardo Martinelli, cette loi reconnaît la diversité culturelle et les langues des sept peuples indigènes du Panama, promulguant ainsi une éducation bilingue dans toutes les écoles publiques ou privées des territoires indigènes.
Dans les tribus des indiens Kunas où la vie communautaire occupe une grande place dans le quotidien, les traditions vivaces se perpétuent, comme celle de la fabrication des molas, des tissus composés de multiples pièces de couleurs brodées en nombreuses couches.
Composés de deux ou plusieurs couches de tissu superposées, découpées puis cousues, les formes reproduites symbolisent la vision du monde de la communauté Kuna, évoquant ainsi principalement des épisodes de la littérature orale, des chants, des coutumes et des scènes de la mythologie, à travers des dessins graphiques de toutes les couleurs.
Hormis le thème de la création du monde, revient également souvent celui du « labyrinthe« , une façon d’exprimer la complexité de la relation entre l’homme, la nature et les animaux.
A l’origine, cette affiliation au cosmos était peinte à même le corps sous forme de tatouages, avant de se substituer aux molas.
A l’image des rituels de la tradition orale de cette tribu amérindienne, les figures géométriques colorées jouent tantôt sur la répétition, tantôt sur l’alternance, les deux faces des tissus pouvant changer de couleur ou de motif, de la même façon que les paroles d’un chant reprennent des mots, tout en imbriquant de nouveaux sons ou de subtiles modifications de texte.
Dans leurs îles-villages pas plus grandes qu’un terrain de foot, les femmes ouvrent volontiers les portes de leurs « ateliers » pour présenter le secret de ces patchworks aux formes imbriquées fabriqués avec de simples chutes de tissus, mais fruit d’un travail acharné de 3 longs mois.
Au milieu des femmes dont les tenues colorées sont agrémentées de jambières de perles, de véritables parures en argent ciselé, de bagues volumineuses et parfois d’un anneau dans le nez, le célèbre Horacio n’a pas perdu le sens des affaires ; il distribue sa carte de visite sans retenue, indiquant son adresse e-mail pour négocier les délais de livraison de ses futures productions.
Mondialement connu et réputé pour sa qualité, cet artisanat cache pourtant bien d’autres types de revenus… Excellents commerçants, mais aussi heureux trafiquants, certains ont construit des chaînes d’hôtels sur le continent grâce au commerce de métaux précieux (or et argent) et de marchandises illicites…
Mais à long terme, cela ne sera plus marginalisé ; c’est un peuple entier qui se prépare à l’exode massif vers le continent.
Face aux conséquences du réchauffement climatique, mais aussi de l’augmentation du niveau de la mer et de la destruction du corail qui n’assure plus la défense naturelle de leurs îles, le Grand Sahila, chef suprême de cette ethnie indigène, a déclaré au gouvernement l’état d’urgence, lors d’un Grand Congrès de la Nation Kuna.
En attendant, le peuple de la mer, plus que jamais attaché à ses traditions qu’il tente de préserver malgré les prévisions alarmantes, continue à vivre au gré des alizés, dans les habitations sommaires de ces îles vouées très bientôt à disparaître sous les eaux…
https://delautrecotede.com/2013/12/19/les-paradis-indiens-du-panama/