Si l’on considère le calendrier du mois de mai de notre société occidentalisée, la collection des célébrations, tant religieuses que historiques, nous invite ou du moins nous incite, à rebondir sur l’actualité printanière… Dans cet état d’esprit et avec le souhait de vérifier si les cultures du monde entier étaient animées de la même effervescence calendaire, a surgi soudain l’idée de revenir sur une pratique ancestrale perpétuée depuis la nuit des temps dans l’Océan indien : le Famadihana !
Immersion malgache dans la communauté Betsimsaraka…
Cap à l’est de Madagascar, entre Ampanavoana et Vinavao, sur la péninsule difficile d’accès du Cap Masoala, entre mer et forêt primaire. Ici, pas l’ombre d’une piste ou d’un quelconque véhicule motorisé à 4 roues. Seul un sentier pédestre permet de longer la côte encore sauvage, réputée pour sa production de vanille et ses légendaires histoires de pirates. Les arbres fruitiers forment une haie luxuriante et généreuse autour d’un chemin presque secret. Véritable parcours aromatique aux essences exotiques, cette marche à travers girofliers et champs d’ananas, entre cultures et plantations, contribue à la fois éveil des sens et au dépaysement.
De village en village, ce sentier nous emmène à la rencontre du peuple « Betsimsaraka », un nom modeste à première lecture, mais riche en sens et en humanité puisqu’il signifie « ceux qui ne se séparent jamais » ou encore « ceux qui restent solidaires ».
La traversée du village le plus étendu, un ensemble de cases en raphia disséminées sur le sable blanc, fait l’attraction générale. Avec, toujours, ce même enthousiasme empreint de spontanéité et de sincérité.
Pourtant, les villageois s’activent avec animation ; par petits groupes, ils disposent soigneusement du riz et des corbeilles chargées de fruits sur des feuilles de bananiers alignées à même le sol. Demain est jour de fête car on célèbre le retournement des morts (= le Famadihana).
Un rituel funéraire ancestral voué au culte des ancêtres…
Parmi les fêtes chrétiennes qui sont également des jours fériés comme en France, il existe à Madagascar un grand nombre de fêtes traditionnelles dont celle du Famadihana. Bien qu’apparue relativement tardivement dans la grande île sous sa forme actuelle, c’est une coutume funéraire que l’on rencontre dans la plupart des tribus de Madagascar. Elle se situe dans le prolongement des « doubles funérailles » très répandues autrefois en Asie du Sud-Est, en Egypte et dans la Grèce Antique, ainsi que dans l’ancien Proche-Orient (Israël, Babylone, Perse).
A Madagascar, c’est l’astrologue (= le Mpanandro) qui détermine la date exacte de cette cérémonie ou « 2ième enterrement » lors du « fomba », un rituel lors duquel l’on interroge l’avis des ancêtres après avoir partagé – entre les morts et les vivants – un liquoreux breuvage à base de rhum.
Les héritiers peuvent considérer que le défunt a besoin d’un nouveau linceul lorsque le tombeau familial est devenu trop exigu ou encore que celui-ci a été enterré dans un tombeau provisoire, une pratique courante durant la saison des pluies pour des raisons sanitaires.
Mais, selon les croyances malgaches centrées en grande partie sur le culte de l’ancêtre, les esprits des défunts ne rejoignent définitivement le monde des ancêtres qu’après cette seconde inhumation appelée « retournement » qui a eu lieu de façon périodique, soit environ tous les cinq ou sept ans.
Le rituel consiste à enrouler les corps dans des nattes neuves et à envelopper les os dans des tissus blancs de soie après avoir déterré les défunts. Les proches de ces derniers glissent toutes sortes de cadeaux dans les linceuls (bouteilles de rhum, photos, billets de banque, etc…). Soudain, les corps sont brandis en l’air par des dizaines de personnes et emportés tout autour de la tombe lors d’une farandole effrénée ; les vivants font ainsi danser leurs morts avec frénésie. Puis, lorsque les danseurs s’immobilisent enfin, les ancêtres rentrent dans leur demeure éternelle pour cinq nouvelles années de solitude.
Ces célébrations qui réunissent toute une communauté dans une véritable ambiance de fête peuvent durer jusqu’à 2 jours entiers. Elles occasionnent ainsi des frais considérables, incluant dans le budget des festivités un certain nombre de coûts élevés, depuis la rémunération de l’orchestre, en passant par l’intervention d’un sorcier-guérisseur (= Ombiazy) et le sacrifice des zébus, jusqu’à l’achat des vivres à prévoir pour nourrir tous les membres du village, soit environ une centaine de personnes.
Au-delà d’une simple mémoire collective idéalisée par une photographie sur une pierre tombale, l’engouement qu’elles suscitent sert à rappeler, notamment par le don d’offrandes, que le défunt continue à partager le quotidien de tous.
Dans ce village du Cap Masoala, ce sont toutes les générations réunies qui nous ouvrent à l’occasion une haie d’honneur humaine sans âge, saluant ainsi notre passage dans une effervescence d’une chaleur sans égal.
Avec une grande assurance et surtout une volonté affirmée de nous convier à leurs préparatifs, les plus âgés d’entre eux improvisent des talents cachés d’interprètes. Parfois, un simple sourire ou une étincelle dans le regard suffisent pour échanger leur bonne humeur communicative. Pourtant, lors du Famadihana, se mêlent rires et larmes, joie et tristesse.
Après la cérémonie, la fête continuera lors d’un pantagruélique festin. Elle se poursuivra par une danse collective, au son des orchestres de « vako-drazana » pour s’achever au petit matin seulement…
Plus d’anecdotes et d’informations sur Madagascar :
Bravo Servane! si tu veux , j’ai d’autres photos de la cérémonie avec riz sur feuille banane pour illustrer tes articles.
Salamé Lili Claude !!! Pourquoi pas ??? Si tu m’autorises à utiliser ta photo pour illustrer mon article, je pense que cela ne pourra qu’enrichir celui-ci… 🙂 🙂 Un grand merci de cette pensée… partagée !
bien sûr! figure toi que je n’avais pas vu ton commentaire.