« Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde », Gandhi.
Quelques heures seulement après l’avènement de l’année 2016, certains s’efforceront de dresser le bilan 2015 assombri par un climat peu joyeux, voire suffoquant, principalement lié à l’actualité internationale de plus en plus lourde et complexe.
Si cet étau se resserre et, sans souhaiter particulièrement revenir sur l’événement de la Cop21 ni sur les décisions prises par les principaux Chefs d’Etat, j’ai choisi de mettre en lumière un lieu méconnu et pourtant fascinant.
Sur la liste des victimes du réchauffement climatique, l’une des plus grandes îles fluviales au monde qui disparaît de jour en jour dans les eaux troubles du Brahamapoutre, au Nord-Est de l’Inde : l’île de Majuli.
Preuve irréfutable d’un véritable désastre écologique, cette île subit les conséquences directes de facteurs cumulés, comme la construction de barrages, la fonte des glaciers himalayens et la puissance croissante des moussons qui dévient le courant du fleuve de son cours, détruisant toutes les terres sur son passage.
Malheureusement, l’état indien semble fermer les yeux sur le sort de cette population en détresse, soit 200.000 habitants déclarés réfugiés climatiques que l’on déplace chaque année sur des zones considérées comme moins en danger.
Engloutie avec cette île, une culture millénaire vouée à disparaître dans l’indifférence : celle des Sutras, des dieux Vishnu qui prônent la non violence et la non discrimination entre hommes et femmes. Devant la menace de la montée des eaux, certains monastères ont été contraints de quitter le berceau de cette religion unique au monde.
Face au discours fataliste qui se généralise et qui conduit les habitants à fuir leurs terres, un homme appelé « Forest man » ne baisse pourtant pas les bras.
Si les habitants de Majuli ont choisi de lutter avec leurs faibles moyens (des sacs de sable et des poutres) pour endiguer l’érosion qui grignote de jour en jour la surface de leurs sols, le combat en solitaire de Jadav Payeng déclenche une nuée d’admiration mêlée d’effroi et de stupéfaction.
Un défi incroyable mais vrai… Depuis 35 ans, Jadav Payeng a planté près de 500 hectares de bois pour freiner l’érosion, soit près de deux fois la surface de Central Park.
Eléphants, rhinocéros, tigres : sur son île de nouveau luxuriante, Jadav Payeng a vu réapparaître de nombreuses espèces animales qui ont réinvesti leur habitat d’origine.
Misant sur la végétalisation pour accélérer le reboisement, ce nouvel héros de l’environnement intervient autant dans les conférences que dans les écoles pour transmettre son secret et surtout sensibiliser toutes les générations aux questions écologiques.
Demain, Jadav Payeng lancera, à la force de ses bras, de nouvelles graines sur une parcelle de terre prête à sombrer dans les eaux du Brahamapoutre.
Mais comment la force et la volonté d’un seul homme – un surhomme ? – peuvent-ils suffire à enrayer un désastre environnemental aussi important ?
Malgré le bilan attristant de ce fléau, fruit direct du réchauffement climatique, ce documentaire délivre de sublimes images dont la magie laisse une lueur d’espoir quant au devenir de ces lieux chargés d’histoire et de poésie.
Si la gravité du visage de cet homme porteur de miracles interroge, en soulevant des questions auxquelles peu d’entre-nous sommes capables de répondre dans l’immédiat, les lumières, la couleur de la terre et la quiétude de ces îles rivalisent de beauté.
Devant ces images si parfaitement maîtrisées qui traduisent au mieux la réalité, comment pouvons-nous seulement imaginer qu’un tel paradis serait demain condamné à être englouti et à jamais oublié ?
Comme une belle leçon de morale, ce témoignage attachant qui nous invite de nous à ne plus se contenter d’être spectateur ; ici ou ailleurs, à chacun de jouer sa place en tant qu’acteur, en apportant tantôt une pierre à l’édifice, tantôt une graine qui deviendra un arbre sous lequel nous pourrons nous protéger des rayons du soleil de demain…
En écoutant le bruit léger du vent qui frissonne dans les feuilles d’un arbre un jour centenaire, ne sommes-nous pas capables d’entendre ce message universel que nous livre la nature, source de vie et d’enchantement ?
A bon entendeur, que 2016 porte en son coeur les valeurs d’une année citoyenne et engagée, soutenue par la prise de conscience collective et le respect d’autrui, pour son voisin, mais aussi pour sa terre nourricière…
Et si, à votre tour, vous deviez faire un voeu pour cette nouvelle année, quel serait-il ?
Majuli, un monde englouti, de Sébastien Mesquida,
Gildas Corgnet, Yann Le Gléau et Anil Gade – ARTE GEIE / What’s Up Productions – France 2015 – 36 »
Pour visionner le documentaire :
http://info.arte.tv/fr/inde-majuli-un-monde-englouti
http://20000lieuessurlenet.over-blog.com/2015/12/majuli-un-monde-englouti.html