« LUNG » (souffle), 52 », 2014.
Réalisation : Leonardo Haertling
Une belle leçon de philosophie en provenance du Toit du Monde, replaçant avec simplicité et humanisme les valeurs fondamentales de l’impermanence, de l’égo, de l’amour, de l’ignorance et de la compassion au coeur des problématiques de la société contemporaine…
Sumoor. Un petit village reculé du Ladakh sur la rive gauche de la vallée de la Nubra. Dans ce panorama grandiose et enchanteur, quelques maisons dispersées au milieu des champs d’orge et de blé. Depuis le vaste monastère qui accueille et forme les futurs moines de la vallée, résonne le bruit des moulins à prières et s’échappent les fumées des encens.
Lung, le souffle… ce souffle que l’on perçoit dès les premières images du film.
Dans le silence de ce décor démesuré, l’odeur de l’encens qui se consume librement. Comme ces fumées qui s’échappent dans la nature, le vent souffle dans les drapeaux à prières, laissant s’envoler les prières dans les profondeurs de cette vallée minérale d’altitude.
Ici, alors que l’on a l’impression de percevoir le souffle de la nature, la vie semble respirer la tranquillité… Après un parallèle entre la quiétude des lieux, l’immensité des grands espaces et l’invulnérabilité de la nature, Lung nous introduit à petits pas dans la culture bouddhiste.
Dans son documentaire, Leonardo Haertling met en avant, à travers le choix de ses portraits et de ses rencontres, le lien qui existe entre la religion et la médecine tibétaine, dont la nature et le destin se rapprochent étroitement du peuple tibétain lui-même.
Ainsi, le témoignage du médecin Amchi Rigzin vient soutenir et enrichir avec justesse et sagesse les hypothèses avancées par le réalisateur. Amchi depuis plusieurs générations, ce personnage à forte notoriété parle à la fois des piliers de son métier, de ses origines, son évolution et de sa quête de plantes médicinales dans les montagnes.
Porteur d’un art millénaire et d’un savoir-faire emprunt de traditions et de spiritualité, l’encens himalayen offre des vertus encore méconnues en Occident, utilisées dans la médecine traditionnelle tibétaine. A travers la méditation et les offrandes, l’encens accompagne les cérémonies bouddhistes, comme le rituel du feu qui sert à purifier et à libérer les influences négatives via la méditation et les offrandes.
Or, dans le système thérapeutique tibétain, les quatre plans (physique, émotionnel, mental et spirituel) étant interdépendants, Bouddha a comparé les états d’humeur comme l’aversion, l’attachement, la jalousie, l’orgueil ou encore l’ignorance à des poisons pour l’homme.
Aussi, dès lors qu’un déséquilibre se créé entre l’une de ces humeurs, chacune assimilée à l’un des 5 éléments énergétiques qui composent l’univers (l’eau, la terre, le feu, l’air et l’espace), le corps tombe malade.
Et, en référence à ce feu permanent que Lung (le vent) – associé à la colère, la haine et le rejet – attise pour consumer petit à petit l’être humain, l’image du feu qui brûle revient de façon récurrente tout au long du film.
Ces métaphores jouent la dichotomie, aussi bien à travers les images tournées dans une atmosphère presque monastique, que dans la théorie bouddhiste. L’air correspond aussi avant tout au souffle vital, à celui de la respiration qui nous lie à la vie.
Dans la médecine tibétaine basée sur les fondements du bouddhisme, ces humeurs ne peuvent être en aucun cas dissociées du cosmos. C’est pourquoi, lorsque le déséquilibre s’accroît entre l’homme et la nature peut tendre à augmenter la vulnérabilité de celle-ci.
Voici donc le message principal que porte le médecin Amchi Rigzin à travers ce documentaire. Silencieux et méditatif devant une nature à la fois attirante et austère, son témoignage d’une gravité extrême invite à la réflexion. De l’équilibre du corps à celui de l’esprit, de l’équilibre de la nature à sa préservation…
Au-delà d’une banale leçon de conscience écologique, c’est toute la préservation de la culture traditionnelle auquel il fait référence. En constante communion avec l’univers et la nature, le peuple tibétain n’est-il pas l’une des premières victimes de ce fragile équilibre ? Du déséquilibre des peuples des hautes vallées himalayennes, partagés entre le progrès et la foi bouddhiste ? Entre tradition et modernité ?
L’histoire d’une lutte, l’histoire d’un peuple…
Malgré ses nombreuses vertus, la médecine bouddhiste ne connaît pas de remède face aux transformations, tant climatiques que politiques, que le peuple du Toit du Monde observe et subit depuis plus d’un demi siècle. Impuissant, l’Amchi Rigzin se contente de questionner la caméra, avant de consulter une dernière fois la nature où le vent s’engouffre indéfiniment.
Avec un souffle de la même intensité que sur la première image… Lung, éternel recommencement.
Cette mutation perpétuelle de l’univers telle que la décrit la religion bouddhiste. A contre courant de cette idéologie, la théorie de l’impermanence, la perception de l’homme qui vit dans l’ignorance de celle-ci, comme si le changement n’existait pas. Comme si nous étions éternels. Une ignorance qui créé la souffrance existentielle de l’être humain.
Comme l’illustre Samsara :
Om Mani Padmé Oum : « Salut O joyau dans le lotus »
Célèbre mantra de Chenrezig, protecteur du Tibet, boddhissatva de la compassion.

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Postface :
Dans un environnement de plus en plus vulnérable, où les hommes et les femmes se battent pour préserver leur culture et cette fragile nature à laquelle ils sont depuis toujours étroitement liés, l’encens, présent dans le quotidien de tout citoyen bouddhiste, continuer de représenter souvent une source de subsistance pour un grand nombre de familles, notamment pour les réfugiés tibétains.
Premier projet de
l’Association Artkhang, Le film
« Lung » de
Leonardo Haertling a été réalisé pour soutenir
L’Amchi Rigzin dans son projet de ferme pilote de culture de plantes médicinales.
Au delà de l’aide à la concrétisation et à la diffusion de projets artistiques, l’Association Artkhang souhaite sensibiliser le grand public et récolter des fonds pour aider au développement d’actions sur le terrain liées à des minorités sociales et culturelles dans le monde.
Article associé à d’autres actions dans la région de Sumoor :
Fortement impliquée dans le développement des écoles de Diskit et de Sumur, l’association française
« Juley, enfants du Ladakh » a développé son action à plusieurs niveaux : l’amélioration et la construction de locaux, une large campagne de parrainage pour aider les familles les plus pauvres à envoyer leurs enfants à l’école, l’achat d’un bus de ramassage scolaire pour permettre à tous les enfants éloignés de venir à l’école quel que soit le temps et la distance.
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