A l’heure à laquelle on prépare Halloween avec autant d’ardeur que le passage du Père-Noël, le peuple birman sans exception célèbre le retour de Bouddha sur terre. Durant 3 jours entiers, tout le pays s’illumine de mille feux lors de Thadingyut, la Fête des Lumières.
Correspondant à la fin des moussons, mais surtout à la fin du carême dans le calendrier bouddhiste, soit 3 mois de privations durant lesquels Bouddha était parti prêché sa mère décédée en le mettant au monde, la pleine lune de Thadingyut marque le début des festivités dans les pagodes.
Accueillir Bouddha en illuminant tous les lieux de culte, mais aussi les espaces publics, les rues, les maisons et les parcs de lampes, de bougies ou encore de lumières électriques, c’est une façon pour les Birmans de présenter leur pardon.
Une occasion également pour les jeunes Birmans de rendre hommage aux moines, aux professeurs, mais aussi à leurs aînés. L’ensemble des donations récoltées durant le mois qui suit cette pleine lune de Thadingyut est ensuite offert aux monastères.
Bien moins commerciale que le Nouvel An chinois, cette fête n’en demeure pas moins populaire pour cette Terre « d’Or et de Rubis ». Ces rassemblements festifs participent à la perpétuation de traditions religieuses dans une ambiance bon enfant ancrée, toujours dans la générosité.
Schwedagon sous les projecteurs…
Petit retour dans le passé au pied de la très célèbre pagode Schwedagon, dont les aiguilles dorées s’élancent majestueusement dans un ciel éclairé par une lune pleine et scintillante.
Au fur et à mesure que la nuit tombe, le spectacle gagne en magie, succession d’instants précieux d’un autre temps. Vendeurs de feuilles d’or, tressage de guirlandes de jasmin, disposition des offrandes multicolores au pied des statues, l’animation trépidante qui précède la cérémonie nourrit les lieux d’un sentiment d’impatience et de légèreté réunies.
Dans ce lieu de culte de la capitale birmane, tantôt on observe un acte de purification, tantôt on surprend un mouvement de prosternation, tandis que certains se détendent en dévorant quelques victuailles ou même somnolent contre les colonnes sculptées de la pagode.
Mais, lorsque la musique laisse échapper ses premières notes, la procession commence tout en lumières… Un à un, les visages des Bouddhas s’illuminent sous les flammes des bougies. La chaleur s’empare des lieux dès lors que tous les visiteurs participent à cette illumination collective.
Des guirlandes électriques clignotent au-dessus des figures bouddhistes et la Pagode commence à ressembler à un sapin de Noël géant qui lui confère un éclat unique d’une énergie insoupçonnée, non mesurable.
Plus belle encore que la Tour Eiffel sous sa plus belle robe de paillettes lumineuses un soir de feu d’artifice, la pagode Schwedagon étourdit. Comme si son âme s’éveillait ou renaissait par la seule force de la pleine lune.
Spectacle époustouflant pour une première soirée en terre birmane que cette illumination dans un lieu d’une spiritualité saisissante, même pour les non initiés.
Dans le parc qui jouxte la « belle illuminée », la fête se poursuit dans un décor de lampions et de bougies flottantes… La joie emplit le coeur des Birmans qui offrent leur plus beau sourire. Sur les airs de Jennifer Lopez revisités à la « sauce chinoise », mais bien loin des émissions de télé réalité, les Birmans s’apprêtent à danser jusqu’au bout de la lune, sous le reflet de pleine lune.
Ce soir, c’est l’Asie dans toute sa splendeur qui m’accueille pour une première nuit dans la capitale du Jade et du Rubis.Me voici, le temps d’une soirée, subjuguée devant autant de beauté et de sérénité…
Féerie lacustre à Inlé…
Tout aussi insolite pour les yeux d’un occidental, mais populaire pour les Birmans, les cérémonies qui ont lieu tous les ans également à la fin des moussons sur le Lac Inlé.
Pendant ce festival, des représentations de Bouddhas de la pagode Phaung Daw Oo sont transportées de village en village, tout autour du lac, où elles passent la nuit après une longue cérémonie. La barge d’or qui les emmène, le Karaweik, est escortée d’une dizaine de bateaux.
Après les moussons, les contrastes de lumières d’une grande intensité confèrent une atmosphère particulièrement mystique à la vie lacustre.
Les barques à moteur chargées d’offrandes multicolores et de danseuses dotées d’une extrême féminité, glissent sur l’eau comme par magie. Par la parfaite synchronisation de leurs gestes travaillés dans le moindre détail alliée à l’harmonie des couleurs de costumes assortis aux accessoires, ce ballet chanté et dansé invite au dépaysement et à l’enchantement des sens.
Dans les temples où les cérémonies se déroulent sans artifices, lors d’un rituel porté par la tradition, mais non solennel, c’est le même état d’esprit, universel et spontané, qui anime les foires installées autour des pagodes.
Stands de beignets et mille autres pâtisseries et sucreries, vente d’objets sacrés : ici, joie et bonne humeur résonnent dans les allées dans une ambiance assurément familiale et chaleureuse.
Femmes et fillettes aux joues couvertes de Thanaka, offrent leurs plus beaux sourires parmi la foule au visage multiethnique.
Le jour de la clôture du festival, les rives, les restaurants et tous les canaux des abords de la pagode Phaung Daw So sont investis par des centaines de bateaux. Relayé par plusieurs chaînes de télévision, l’événement national n’échappe pas au pouvoir des militaires qui dirigent encore, en cette année 2005, le pays en dictateurs.
Les officiels, débarqués en hors bord au pied de la tribune présidentielle rejoignent la barque royale pour recouvrir à leur tour, comme les pèlerins et les villageois, les statuts difformes des Bouddhas de nouvelles feuilles d’or, avant que celles-ci ne soient replacées à l’intérieur de la pagode jusqu’à l’année suivante.
Point d’orgue des festivités, l’épreuve périlleuse soutenue par une foule qui acclame tous les participants, la célèbre course de rameurs qui met les 20 villages du lac en compétition. Un très bel hommage aux pêcheurs Inthas, dont la technique et l’habileté continuent encore d’alimenter la « carte postale » majestueuse et mystique du Lac Inlé.
Coin lecture…
Le Palais des miroirs, Amitav Gosh, Points, Seuil, 2004.
La Vallée des Rubis, Joseph Kessel, Folio, 2003.
Terre d’Or, Norman Lewis, Picquier Poche, 2004.
Birmane, Christophe Ono-dit-Biot, Pocket, 2008.