De l’Aventure plurielle à l’Aventure intérieure… What a trip !

Au fond de moi, l’envie profonde de m’éloigner commençait à bouillonner. Prendre de la distance pour voir ce qui se trouvait un peu plus loin. Alors, j’ai posé mon sac à Montpellier. 72h sous le soleil exactement.

What a trip ! 13 films en compétition, 10 expositions photos, 15 conférences et 13 ateliers dans un village dédié au voyage : lieu de rencontres, d’échanges et de découvertes, dans ce jeune festival émergeant de films d’aventure flotte assurément une certaine légèreté décomplexée et bon enfant.

A travers une programmation éclectique emplie d’humanité, l’Aventure prend forme à travers des expériences plurielles, tantôt collectives, tantôt individuelles.

Au point où même l’Aventure en solo trouve toujours une dimension altruiste si l’on considère qu’elle prend pleinement vie au moment même où elle se partage. D’ailleurs, celui qui partage l’aventure, ne fait-il pas lui aussi partie constituante de celle-ci, même s’il ne détient pas forcément le rôle principal ?

Parfois, elle existe dans le but de sensibiliser le public aux questions environnementales, à des sujets controversés qu’il est important d’exposer à la lumière.

En ce sens, la prise de conscience passe de l’échelle individuelle à l’échelle collective. Alors, ici, l’égo s’effondre avec humilité, loin du challenge glorifié du défi sportif et du dépassement athlétique.

D’autres fois, l’aventure arrive alors que rien n’est prévu ni organisé. Elle se dessine petit à petit en même temps que l’imprévu lui laisse une place. Quand rien n’est prévu, tout peut arriver, n’est-ce pas ?

Pour d’autres, l’aventure est malheureusement forcée. Avec une prise de risque non calculée, l’espace de liberté se réduit en même temps que le champ des possibles.

C’est tout l’inverse des adeptes des TDM (Tour du Monde), ceux qui se lancent dans « l’Aventure d’une vie » avec billet simple.  Ou sans idée de retour.

Puis, à côté, il y a les autres… ceux qui se nourrissent du quotidien avec leur lot d’aventures insolites. Parfois incroyables, inimaginables.

Personnelle, petite ou grande, l’Aventure revêt des formes totalement différentes, relativement difficiles à définir. C’est alors qu’elle devient multiple, peu importe la challenge ou les causes.

D’ailleurs, ne pourrait-on pas définir tout simplement l’aventure comme un épisode éphémère chargé d’intensité capable de susciter des émotions ? N’est-ce pas la charge émotionnelle qui importe au-delà du compteur kilométrique ou du nombre de frontières ?

Et si à elle seule, la vie constituait une Aventure dont nous serions notre propre héros ? Un héros avec ses attributs les plus ordinaires qu’ils soient. Des héros parmi d’autres héros, parmi nos voisins, nos amis, nos collègues. Nos proches et nos semblables. Tous héros et maîtres de notre propre destin.

Bienveillante, fascinante, surprenante mais surtout résolument humaine, voici comment je pourrais résumer ma vision de l’Aventure idéale.

L’Aventure d’une vie ou l’Aventure de la vie ? A chacun de l’imaginer, de le découvrir et de l’expérimenter en choisissant son propre chemin…

Face à tant de possibilités et de déclinaisons à explorer, sur un festival, l’accueil d’un film repose indéniablement sur des critères d’une grande subjectivité. En termes de réalisation et d’écriture scénaristique, seules l’émotion qui transparaît, la singularité des personnages et la qualité des images vont orienter la perception du film.

Bien entendu, au-delà du traitement propre au travail de réalisation, le choix du sujet et les valeurs relayées vont se charger à leur tour d’étoffer la dimension générale du film.

Après le film « Expédition Wayra », dont on s’est délecté des très belles images prises entre ciel et désert dans le Salar d’Uyuni et de « Projet Kiruna », cette aventure en chien de traineau en Laponie suédoise suivi du film « In Gora » et son bus scolaire itinérant conduisant à son bord des snowboarders à la recherche des plus belles montagnes d’Europe, mes coups de cœur de cette seconde édition de What a trip se sont tournés vers des films plaçant l’humain dans son rapport à l’Aventure et à l’autre.

Avec « Objectif sauvage »,  nous partons en expédition en Amazonie bolivienne en compagnie de trois aventuriers Suisses romands à la recherche d’une lagune perdue en pleine jungle. Cet eden de vie sauvage accessible uniquement au terme d’efforts et d’obstacles aussi hostiles que physiques est un terrain d’aventure et d’observation scientifique extraordinaire. Si le parc naturel Noel Kempff Mercado a été longtemps laissé à l’abandon, il est aujourd’hui malheureusement menacé de disparition.

L’avenir de ce territoire de biodiversité est fragilisé par un projet de culture intensive de soja (nourriture pour le bétail). « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends » : plus qu’une simple quête, cette aventure remet en question la place du rêve et de l’incertitude. Des questions d’autant plus existentielles pour de jeunes aventuriers pris dans une société à la vitesse inversement proportionnelle à leur propre nature. Une vie qui ne laisse aucune place à la contemplation ni à l’instant présent. Un espace-temps où le besoin de reconnexion avec la nature devient urgent.

Avec « L’école du ciel », le trio de Solidream s’engage une nouvelle fois dans un voyage non motorisé. Après une formation de parapente accélérée, ils entreprennent la traversée des Pyrénées (de Banyuls à Saint-Jean de Luz) en associant marche et vol bivouac.

A travers cette aventure, ils prennent de la hauteur pour trouver la signification du mot « liberté ». Volant de leurs propres ailes, ils s’interrogent sur l’endroit où commence et où s’arrête cette liberté que l’on ne perçoit pas toujours de façon évidente. La liberté serait-elle donc aussi plurielle ?

« Become who I was »… Pleine d’émotion, l’histoire de Padma Angdu intronisé Rinpoché à l’âge de 5 ans et expulsé de son monastère au Ladakh bouleverse sur bien des plans. Tandis qu’il part en direction du Tibet à la recherche d’une réponse, le voyage prend les contours d’une aventure intérieure. Pourtant, plus qu’une quête personnelle, cette marche constitue un véritable voyage initiatique qu’il partage avec son maître vieillissant, l’oncle Urgain avec chaque jour davantage de bienveillance et de compassion. Ici, les liens qui les unissent sont bien plus forts que les conditions de leur pays emprunt de misère et d’hostilité. Une aventure non désirée qui fait grandir Padma Angdu et l’aide à gagner en sagesse et en autonomie.

« Capitaines de l’utopie » ? Explorateur au long cours, tantôt guide en montagne, tantôt navigateur en solitaire, Ben souhaite donner un sens à ses expéditions en faisant découvrir au plus grand nombre les beautés du monde polaire. A bord d’Atka, son voilier qui effectue un hivernage dans l’ouest du Groenland, embarquent tour à tour de jeunes adolescents, des circassiens, des amateurs de sensations fortes ou encore des personnes malades ou handicapées.

Toujours retranché en France dans sa quête de financements – un combat contre nature pour un amoureux des grands espaces – Ben  se nourrit des étoiles qui brillent dans les yeux de ses aventuriers en herbe. Le partage, l’altruisme et l’ouverture d’esprit résonnent avec une beauté bien plus grande que les lumières de l’Arctique. Ici, le rêve conduit l’aventure, preuve que le rêve n’est pas utopie. N’est-ce pas à la portée de tous de faire de son aventure quelque chose d’extraordinaire ?

Partant du constat que la vie dépend de ce que nous en faisons, dans « Dugout », deux jeunes amis anglais partent en immersion en Amazonie équatorienne. Au contact de la communauté amérindienne des Huaorani, ils vont apprendre à construire leur propre pirogue (un moyen de locomotion vieux de 8.000 ans) avant d’embarquer à bord pour un périple fluvial en totale autonomie.

Ils découvrent combien le savoir-faire des peuples premiers repose sur des traditions et une parfaite connaissance du terrain. Humiliation et accomplissement ponctuent le succès mesuré de leur expérience qui nécessite des efforts surhumains. Véritable fil conducteur, l’humour anglais donne le ton, tandis que leur courage et leurs capacités d’adaptation sont mis à rude épreuve à chaque instant. Une belle leçon qu’ils tirent de cette immersion en terre amazonienne, un territoire cédé à l’exploitation pétrolière juste après leur départ.

« Défi Baïkal », c’est une invitation à embarquer dans l’Aventure de la vie. Ou le projet extraordinaire d’une expédition à ski de randonnée sur le lac Baïkal gelé avec des personnes malvoyantes. Une épreuve de vie supplémentaire qui les pousse à sortir de leur « zone de confort » pour les aider à repousser davantage leurs limites. Cette aventure qui leur permettra à vivre quelque chose d’extraordinaire leur servira surtout à changer leur regard sur leur handicap. Booster de vie, ce véritable challenge constitue un travail personnel et collectif sur l’acceptation de soi et de la maladie. Très belle leçon d’humanité et d’humilité, cette aventure s’enrichit d’un esprit de solidarité permanent et à toute épreuve…

Non exhaustive ? Cette sélection nourrie par mes inspirations du moment et mes aspirations personnelles diverge pour bien des arguments du palmarès officiel. Pourquoi vouloir absolument s’approprier un film ? L’important, n’est-ce pas la sensibilité que l’on accorde à un film, avec ses propres yeux et son propre coeur ?

A présent, je connais les réponses à mes questions. Ces belles histoires emplies d’images d’ici et d’ailleurs nous aident à mieux regarder en soi. Et si chacune de ces aventures nous ressemble, c’est bien parce que les émotions humaines restent universelles, au-delà de leur forme et de la façon dont on les incarne. La manière dont on leur donne vie.

Ainsi, j’ai quitté Montpellier l’esprit brûlant d’évasion et de projets, en gardant dans mes bagages rêve et passion, avec la conviction que l’Aventure ne faisait que commencer…

 

La vie est un défi à relever, un bonheur à mériter, une aventure à tenter.

Mère Teresa.

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