Dérive sur le Rio Caura à la rencontre du peuple amérindien (Mai 2013)
Bien plus qu’un simple voyage, c’est une véritable rencontre, avec l’impression d’avoir laissé une partie de sa famille, sur une terre métissée et tellement attachante. Pays authentique, peu touristique, le Vénézuela dévoile ses charmes latinos : vieilles américaines, façades colorées et des grands espaces inhabités… une terre propice à l’aventure où l’on sera conquis tant par la curiosité des amérindiens que par la générosité des vénézuéliens de la côte. Le Caura inspire sérénité et nonchalance, tandis que la nature, débordante de vie, nous renvoie aux choses simples et à la contemplation permanente : jouer au Robinson et se laisser bercer par les sons de la nature en éveil dans la nuit étoilée, dormir en hamac sous les carbets indiens, pêcher le piranha dans les eaux couleur coca cola, jouer avec les enfants sur les plages de sable, se baigner dans les cascades aux eaux relaxantes, admirer un vol de perroquets au-dessus des palmiers moriches… Dans une moiteur « muy caliente », ce voyage ensoleillé et coloré aux rythmes endiablés de la cumbia et du merengue se déguste avec quelques verres de rhum ambré pour mieux apprécier toute sa musicalité !
https://delautrecotede.wordpress.com/2013/12/11/rencontre-avec…zuela-mai-2013
Jour 1
De retour sur les chemins du monde, j’étais de nouveau prête pour un départ à l’aube comme une voleuse… Tandis que le jour se levait, je savais que Louisa me chercherait ou rêverait simplement comme moi d’horizons lointains… Ainsi, en partant seule une fois de plus, j’espérais partager à mon retour souvenirs et photos, tout en lui transmettant cette passion, la découverte de l’ailleurs et la rencontre de l’autre, à l’autre bout de la planète, loin de la maison, pour lui faire sentir quelques instants ces vibrations qui nous sont à la fois étrangères et très humaines !
En un vol d’ailes, Iberia me transporte à Madrid pour un 1er contact avec une population hispanique, mais trop européenne. San Juan ou Panama ? Les destinations qui s’affichent sur les écrans sont nombreuses et toutes plus attrayantes les unes que les autres…
Et pourquoi pas Caracas ? Chose promise, chose due : embarquement immédiat !!!
Un long vol de 9h en guise de transit vers cet autre monde qui m’inspire et qui m’invite le temps d’une aventure particulière, insolite.
Le confort est modeste, le personnel aimable, professionnel.
A mes côtés, une Française de Toulouse mais originaire du Vénézuela rend visite à sa famille avec sa fille de 4 ans. Et autour de moi, beaucoup de personnes d’origine hispanique.
Après un vol doux et sans perturbation, nous atterrissons dans la moiteur vénézuelienne… la température est donnée, ce sera très « caliente » !
Les formalités plus ou moins rapidement effectuées malgré quelques soucis linguistiques et, mon sac à dos retrouvé, je franchis la porte aseptisée de l’aéroport… Me voici de l’autre côté du mur, prête à palper un peu de cette ambiance tropicale, chaleureuse et colorée.
Marun m’accueille comme convenu. Il doit être environ 15h et nous attend à l’aéroport depuis ce matin. Je suis la première arrivée, le vol de Paris n’ayant pas encore atterri. Reste encore une passagère en provenance de Lima au Pérou et Alain qui a transité par Bogota en Colombie, et par conséquent qui n’arrivera que tard dans la nuit.
Avec Céline, Philippe et Florence, l’équipe est donc presque au complet.
Nous rejoignons à pied l’aéroport national. Il fait moite et la fatigue commence à se faire ressentir. Sur les 300 mètres seulement qui séparent les deux aéroports, notre guide s’engage dans une opération de change à haut risque. En effet, il doit interpeller de la manière la plus discrète possible – c’est-à-dire sans attirer l’attention des militaires qui font les cent pas autour des deux terminaux – un homme chargé de nous fournir, à un taux de change non officiel, des bolivars, la monnaie nationale.
Avec un double taux de conversion, ce change à la sauvette est monnaie courante dans le pays. Certains effectuent même leur virement depuis l’étranger pour récupérer l’argent au taux intéressant. Mais, sur le terrain, même si nous ne sommes pas les premiers à le faire, on a presque l’impression de violer une loi.
Malgré tout, nous lui confions notre cagnotte en dollars dans la rue et récupérons comme convenu nos bolivars dans le café de l’aéroport. Après avoir échangé l’argent avec son acolyte dans les toilettes, il nous glissera pour la forme les liasses de billets sous son portable.
Voici une bien étonnante façon de tisser des liens à peine arrivés dans ce pays…
Mais cela n’empêchera pas d’autres « vendeurs à la sauvette » de nous repérer aisément, parmi la population majoritairement Vénézuelienne, et de nous proposer également leurs services pour une opération semblable.
Un « fléau » touristique digne d’un film d’espionnage, tout en jouant les rôles principaux des « acteurs-témoins »…
Un transit un peu long qui nous permettra cependant de faire plus ample connaissance jusqu’au moment de l’embarquement précipité que nous avons failli manqué, suite à une commande d’hamburger « last minute »… Ce à quoi s’est ajouté de ma part une inattention de débutante : perdre ma carte d’embarquement, un ticket de 3 x 4 centimètres, juste au moment du départ… fatidique !
Frayeur faite, le groupe enfin reconstitué, nous voici à bord de cet avion national rempli de passagers 100% Vénézueliens. Dans la nuit, nous devinons la côte Caraïbes avant de poursuivre en direction du sud.
A Puerto Ordaz, un 4×4 aux vitres teintées nous attend pour nous conduire jusqu’au point d’orgue de cette longue journée de voyage : Ciudad Bolivar !
Musique colombienne et vénézuelienne à pleins tubes, nous roulons à vive allure sans jamais nous arrêter aux feux. Pas de contrôle en vue, mais notre chauffeur fort prudent préfère éviter les rencontres désagréables. Sur le bord des routes et cela particulièrement la nuit, les délinquants sont nombreux et les vols à la niçoise à la portière fréquents.
Arrivés sains et saufs à Ciudad Bolivar, c’est au rythme de la salsa diffusée dans le restaurant de l’hôtel et dans les effluves sucrées et fruitées des rhums arrangés que nous nous endormons enfin, avec la moiteur pour nous bercer au pays de Morphée…
Jour 2
Hôtel La Cumbre, Ciudad Bolivar. La chambre est moite. Marcher au bord de la piscine apporte un peu de fraîcheur à nos esprits encore endormis, jet lag oblige ! Je pense que l’on aurait mieux dormi dehors !
Depuis le bar, on aperçoit au loin le majestueux fleuve Orénoque. Du côté de la piste de danse de ce restaurant à ciel ouvert, on entend des voix d’enfants qui rejoignent les bancs de l’école. Ce cadre type « bar à salsa tropical » nous conviendra très bien pour apprécier notre copieux petit déjeuner en toute tranquillité.
Notre 5e coéquipier, Alain, vient de nous rejoindre. Pour lui, le voyage a été encore plus long, plus épuisant. De Bogota, il est arrivé dans la nuit à Caracas où il a été conduit dans un hôtel pour quelques heures seulement, avant de rejoindre Puerto Ordaz pour un nouveau vol, cette fois-ci très matinal, suivi d’une heure de trajet en voiture.
Malgré cela, il semble partant pour nous suivre dans la visite guidée de Ciudad Bolivar. C’est une guide Française vivant depuis 27 ans au Vénézuela qui nous racontera les grands moments de l’histoire vénézuelienne, tout en nous parlant du charisme des 2 grands personnages qui ont marqué le pays comme beaucoup d’autres d’Amérique du sud, Simon Bolivar, le « Libertador » (protecteur) et Francisco de Miranda, le « séducteur ».
Circulant uniquement dans le centre historique, nous allons de place en place, de bâtiment officiel en bâtiment administratif, tout en admirant les ruelles colorées de la vieille ville. Rythme nonchalant et quiétude diffusent un air hors du temps à ce quartier.
Sur la place qui domine la ville et l’Orénoque, des écoliers jouent avec un bâton de bois. Devant le préau de l‘une des administrations, 4 balayeurs trainent leur outil de travail sur une place ultra-propre que l’on a customisé de bannières publicitaires pour les Jeux Panaméricains.
Juste devant, des étudiants achètent des glaces à un marchand ambulant.
Dans toutes les rues, on peut admirer le défilé des « belles américaines », ces longues voitures des années 50 que l’on retrouve aussi à Cuba.
Comme les balcons coloniaux et patios qui caractérisent l’habitat local à l’inspiration coloniale.
Au cours d’un cours sur le chavisme que Marun n’approuve guère, nous apprenons, qu’en échange de centaines de litres de pétrole, les soins et médicaments sont offerts par le gouvernement de Cuba ; que les fournitures scolaires sont prises en charge par le gouvernement. Mais aussi que les Vénézueliens ne sont imposables que si leur salaire est supérieur à 5 fois le salaire minimum.
Notre guide Française semble convaincue des conséquences du règne « Chavez » alors que Marun, lui, comme beaucoup d’autres jeunes Vénézueliens, parle encore de dictature et de corruption.
Les affiches électorales placardées dans toute la ville viennent confirmer cette opinion partagée du peuple. D’ailleurs, c’est plutôt enrichissant d’échanger à ce sujet quelques jours seulement après les élections qui ont fait l’actualité à l’international.
Après la séance politique, notre guide interprète a choisi la pause culturelle en nous conduisant au Musée d’Art Moderne de la ville, une Fondation créée par l’artiste spécialiste de la cinétique, Rafael Soto. La visite reste globale et anecdotique, mais permet de profiter de la fraîcheur des pièces du musée pendant que la canicule s’éprend de toute la ville. La récolte de mangues terminera cette parenthèse culturelle par une touche gourmande et exotique et nous ouvrira l’appétit avant de faire place à davantage de saveurs dans un restaurant populaire avec vue plongeante sur l’Orénoque. Un repas savoureux et copieux dans un cadre tranquille mais « couleur locale » où écolières et familles viennent se retrouver sur des airs colombiens.
Une promenade digestive sur l’Orénoque viendra ensuite conclure cette visite classique mais néanmoins enrichissante de Ciudad Bolivar avec, en prime, la visite d’un dauphin rose, cétacé typique du grand fleuve.
C’est à travers le centre-ville – que nous regrettons de ne pas avoir découvert – et où est diffusée publiquement une musique « muy caliente », puis par un quartier résidentiel construit de maisons roses, vertes ou bleues, que nous rejoignons l’hôtel pour une pause « fraîcheur ».
A défaut d’arpenter les rues animées de la capitale de l’Etat de Bolivar, c’est le fond turquoise de la piscine que nous apprécierons… Pause fraîcheur méritée, le décalage horaire faisant foi !
Pour ajouter une note d’exotisme à cette parenthèse, nous nous offrons le luxe de déguster la Pina Colada maison du barman. Après la Cerveza offerte par un autre garçon de la maison, me voici rassasiée et surtout épuisée de fatigue, conséquence du décalage horaire du voyage, mais aussi de la moiteur ambiante : hasta luego !
Jour 3
Fini le luxe, nous voici ce matin enfin prêts et surtout plus frais pour l’Aventure ! Le 4×4 ultra-confort du chauffeur de l’hôtel a été troqué contre un pick-up avec deux banquettes arrière en face à face.
Nouveau départ, nouvelle équipe. Parmi nous, le chauffeur, un jeune couple Ye’kuana (dont notre guide local) et leur bébé de 6 mois, ainsi que la mère du guide qui aidera Marun à faire des courses de dernière minute pour la suite de notre périple sur le Caura.
Après un léger quiproquo, le guide Ye’kuana ayant chargé sur le toit les affaires que nous avions mis de côté pour laisser à l’hôtel, et après quelques exercices d’équilibristes sur le toit, nous voici enfin en route…
Sur le rythme de musiques latinos, nous traversons les quartiers commerçants de Ciudad Bolivar, sa périphérie et ses épiceries chargées de fruits colorés et bien mûrs. Petit à petit, nous pénétrons une zone plus rurale où les maisons à barreaux (sécurité oblige !) ont été remplacées par de vastes champs.
La route, unique et presque droite, parcourt des paysages arborés et agricoles, la circulation se raréfie. Cependant, le chauffeur – qui pianote en permanence sur son téléphone portable – doit faire preuve de dextérité à plusieurs reprises pour doubler camions et véhicules en tous genres et éviter ceux qui arrivent en face…
Les bus de toutes les couleurs chantent salsas et merengue en emportant à leur bord une clientèle 100% locale.
En chemin, nous nous arrêtons sur une petite « aire d’autoroute » rurale pleine de charme et fort bien aménagée avec épicerie, essence, toilettes et bar en plein air.
Un groupe de Vénézueliens se désaltère dans une ambiance des plus décontractées. Au fond du jardin, un quetzal et deux perroquets en cage. Et les oiseaux qui répètent en cœur le refrain colombien préféré des bus et des chauffeurs privés.
Next stop : Maripa ! Nous n’avons, hélas, pas le temps d’explorer la dernière ville située à la confluence de l’Orénoque et du Caura qu’il faut déjà embarquer sur celui-ci.
L’équipe charge à toute vitesse notre pirogue pendant que l’orage nous accueille de ses éclairs. Le tonnerre gronde. La pluie s’épaissit avec force et violence : bienvenue sur le Caura pour une expédition « commando » top secrète !
Seul le poncho a été sauvé à temps pour tenter d’échapper à la pluie. Les sacs, eux, n’ont pas eu le temps d’être préparés, les objets électroniques pas été protégés.
C’est sous l’orage que nous nous lançons dans cette aventure sur le Caura. La lancha, longue pirogue en bois est pleine à craquer. Provisions, glacières, essence et bidons d’eau potable, mais aussi gilets de sauvetage font partie de l’embarcation !
L’eau monte rapidement jusqu’aux mollets ; il faut donc écoper…
La pluie a transpercé nos ponchos, les bas de pantalons sont trempés. L’équipage se protège sous de grosses bâches. Heureusement, après 1h de navigation, le ciel, toujours très sombre, nous préserve de ses nouveaux caprices.
Nous pouvons enfin admirer les paysages du Caura, ses mangroves, ses courants, sa jungle, ses montagnes encore masquées par les nuages et ses rochers basaltiques qui donnent un air de Seychelles à la carte postale.
Les oiseaux s’envolent à tire d’ailes au-dessus des palmiers moriches, élégants et élancés. Les martins pêcheurs piquent du nez dans l’eau couleur coca-cola. Spectacle grandiose, le vol majestueux des perroquets sauvages.
La nature est partout, libre et belle, sauvage, juste à l’image d’elle-même selon sa définition première.
Petit à petit, le temps se dégage, offrant de nouvelles couleurs, plus franches et plus lumineuses. Notre baptême sur le Caura se conclut sur une rive bordée d’un banc de sable orangé au campement de la Cocuiza.
Le carbet est parfaitement aménagé, équipé de toilettes et pourvu d’un groupe électrogène. Sous une case ronde au toit entièrement tressé main, sont suspendus en cercle nos hamacs sous de larges moustiquaires. Sous un autre carbet, nos accompagnateurs Ye’kuana ont installé et déballé nos vivres.
Certains d’entre-nous se précipitent à la baignade dans la rivière où on y entend les oiseaux glousser, railler. Un site extraordinaire pour tous les amoureux de nature !
Après un apéritif arrosé au rhum, c’est au tour des papillons de nuit, apeurés par les lumières, de se jeter sur nos têtes et de se jeter dans les mailles de nos moustiquaires.
Mais nos anti moustiques « Spécial Tropiques » les feront renoncer à passer la moustiquaire, nous permettant de savourer en paix cette 1ère nuit en hamac, avec la jungle en guise de berceuse.
Bienvenue en terre Ye’kuana !
Jour 4
Même si la nuit a été moins moite qu’à Ciudad Bolivar, quelques téméraires iront goûter l’eau du Caura – qui rend la peau extrêmement douce -, avant de repartir pour l’Aventure.
Après une rencontre fortuite avec une chenille rouge carmin, c’est une tarentule qui s’est invitée sur notre pirogue. Ce n’est pourtant pas faute de lui avoir proposé de descendre, qu’elle préfère jouer à bord: serait-ce pour nous porter chance ?
La vie sur le fleuve reprend, le soleil nettement plus généreux que la veille.
Derrière moi, sur une planche à moitié cassée qui fait office de siège, Marisa et Miguelito, le jeune couple Ye’kuana, ne cesse de jouer avec leur bébé, Emerson. Ils le tirent par le bras, le font sauter, lui chantent des chansons. Agés de 18 et 21 ans seulement, ils assument parfaitement leurs fonctions et rôles de jeunes parents. Il faut souligner qu’Almerson est un bébé tout menu, très tonique, mais extrêmement sage qui ne pleure jamais. Sans doute, la disponibilité de sa maman favorise aussi cette attitude.
Miguelito est le fils du chef de Boca de Nichare, un village Ye’kuana situé à 2h de notre destination finale. Ethnie du fleuve, le peuple Ye’kuana, connu par sa farouche résistance contre la colonisation espagnole et appartenant à la famille linguistique des Caraïbes présente jusqu’en Guyane française, a obtenu, de la part du gouvernement vénézuelien, un droit de veto concernant les activités touristiques. Naviguant en territoire indigène, notre groupe est donc placé sous l’autorité Ye-kuana.
Dans ce paysage de forêt primaire, exubérante, de discrets et modestes embarcadères de terre témoignent justement de la présence de campements indiens, même si, au premier coup d’œil, on ne soupçonnerait pas de présence humaine !
Nous nous arrêterons dans l’un d’entre eux, celui d’El Palmar où vit une communauté Sanema.
Ces indiens de très petite taille et à la peau cuivrée ont préservé un mode de vie plus authentique que les Ye’kuanas, avec d’autres croyances, d’autres mœurs. Peuple de forêt, ils ont émigré sur le bas Caura pour fuir les conflits avec les « garimpeiros » à la frontière brésilienne où s‘intensifie l‘exploitation aurifère illégale. Traditionnellement, le Sanema est souvent considéré comme inférieur au Ye’Kuana, c’est une réalité tribale.
Sur l’abrupt morceau de terre qui fait office d’embarcadère, quelques enfant se baignent pour trouver un peu de fraîcheur. D’autres, nous accueillent discrètement, mais avec curiosité.
Ils se tiennent souvent par la main et protègent leurs cadets avec une affection très maternelle. Les mères portent leur bébé en écharpe pour les laisser téter librement et à volonté, pendant qu’elles s’adonnent aux travaux du foyer. Elles couvrent leur poitrine de simples débardeurs et portent un petit bout de tissu en guise de jupe qui s’arrête juste au-dessus de leurs jambes décorées de perles. Leurs visages sont maquillés de traits symétriques et leurs cheveux détachés.
Certaines transportent dans leur dos des paniers tressés de fibres de palmiers moriches de toutes les formes, y compris conique ; la plupart du temps remplis de bois ou de manioc, la nourriture de base locale.
Les enfants nous accueillent dans leur école composée d’une simple et unique table et d’un grand tableau noir. En l’absence du maître des lieux, nous partageons ainsi un petit moment avec eux avant de poursuivre la rencontre sur le terrain de foot municipal où les garçons s’en donnent à cœur joie.
La timidité et la gêne s’effacent très rapidement. Les femmes s’approchent, venant nous présenter leur bébé, dont le benjamin du village, âgé de 3 semaines au plus.
A l’embarcadère, ils seront nombreux à venir nous faire leurs adieux, pendant que d’autres embarqueront sur une lancha à côté de nous.
Au campement de Boca de Nichare, nous nous arrêterons déjeuner à l’ombre d’un hangar en bois. Comme à El Palmar, le village est constitué de simples maisons en torchis et de carbets, ces typiques abris amérindiens sans cloison.
Extrêmement calme, le village , nous surprend de sa quiétude. La chaleur explique en grande partie la désertion de ce qui constitue son lieu de vie. D’ailleurs, la température proche d’un four en préchauffage nous contraint rapidement à rejoindre le peu d’ombre que nous trouvons, même si cette visite s’avère être finalement qu’une simple escale « technique ».
Afin de retrouver un peu d’air, nous reprenons notre navigation sur le fleuve, durant laquelle nous retrouvons d’autres paysages et de nouvelles couleurs. Nous y croisons Simon, le père de Miguelito et représentant de la communauté de Boca de Nichare qui accompagne deux couples franco-allemands effectuant le trajet retour vers la civilisation.
Sur leurs lanchas, les pêcheurs se mettent à l’abri des courants et du bruit où la nature vit à son propre rythme.
Peu à peu, le soleil devient franc et le ciel se dégage. Alerte spéciale aux rayons UV pendant que l’on admire le majestueux cours du Caura, ses martins pêcheurs, ses hérons et pélicans.
Après de longues heures de navigation, au loin, le campement du Playon apparaît comme un mirage. Ses bras de sable doré étincellent de mille feux sous le soleil encore haut. A ses pieds, une série de chutes d’eau vient apporter un brin de fraîcheur à la carte postale.
Avec des airs de bout du monde, ce village marque la limite entre le bas et le haut Caura ; à partir de l’ici et ce jusqu’à la frontière brésilienne, le fleuve devient plus étroit et les campements plus reculés.
Bienvenue au Playon ou l’eldorado des chercheurs d’or !
Autrefois, le Playon était un important lieu de commerce où transitaient les produits de la forêt du « haut Caura », comme la « balata » (caoutchouc naturel), la « quina » (liane produisant la quinine, molécule servant à soigner la malaria) ou encore la noix de sarrapia utilisée comme fixateur de parfum. Les bateaux à vapeur remontaient ensuite jusqu’à Ciudad Bolivar pour rejoindre les Antilles voisines, dont Trinitad.
Aujourd‘hui, ce petit campement reste un lieu de vie relativement animé. Les lanchas accostent de toutes part, les indiens rentrent de la pêche ou arrivent de la ville.
Sur la plage, de jeunes garçons se lancent dans une partie de foot, pendant que d’autres se prélassent tout simplement sous les arbres ou se lavent en famille dans le fleuve, une ribambelle d’enfant jouant tout autour d’eux.
Une vache paît dans l’unique allée du village, évoluant librement au gré de ses humeurs.
Une musique « nouvelle génération » rythme la fin de la journée ; la société de consommation est bel est bien arrivée jusque ici, dans ce campement installé loin de tout, au cœur d‘une immense forêt.
A notre tour de nous risquer à une baignade dans ce fleuve où, entraînés par le courant, nous slalomons à travers les arbres. En présence de Florence, nous lançons un avis de recherche aux caïmans captifs disparus un soir de fête. Une histoire devenue légende au Playon…
A l’heure du coucher de soleil, on observe au loin, le mouvement des silhouettes. Comme des ombres chinoises, les lanchas se reflètent majestueusement sur l’eau tiède et plate, glissant en silence à l’horizon.
Idéalement bien située pour témoigner de ce spectacle magique, notre large hutte construite sur le sable de cette grande plage, où nous poserons nos bagages. Dans ce carbet amélioré, nos hamacs fushias et jaunes équipés de moustiquaires disposés en cercle autour d’un poteau central.
Dans ce cadre d’exception et à quelques mètres seulement de l‘eau, toujours, nous buvons ce soir un rhum à la santé du lieutenant parti en Biélorussie et de son équipe. Ici, c’est encore le temps de la corruption. Au-delà de leur mission de sécurité et de surveillance accrue quant aux trafics en tous genres, les militaires prélèvent de l’argent sur tous types d’opérations… plus ou moins amicalement !
Sous leur œil protecteur, nous admirons, dans le majestueux ciel étoilé, la voie lactée toute entière, avant de nous endormir avec le bruit des chutes d’eau, qui protègent le village.
Avec nous, cette nuit, un crapaud et une dizaine de cafards mais toujours pas l’ombre un moustique !
Jour 5
L’orage a fini de gronder ; quelques gouttes seulement font encore de la résistance. Le village est calme, tout en s’activant pour une longue journée de travail.
Ayant remarqué un attroupement autour d’un carbet, nous nous rapprochons pour y découvrir l’objet de sa curiosité.
Il ne s’agit de rien d’autre que du bureau de l’emploi local ! Hommes et femmes en ressortent avec des charges imposantes placées sur le dos et soutenues par une sangle sur le front comme les sherpas népalais. Des dizaines de bidons de gasoil de 35 à 60 litres ont été emmenés ici dans la nuit par lancha. Certains d’entre nous ont même d’ailleurs aperçu les lueurs des lampes au tout petit matin.
Nous faisons la rencontre de leur employeur, un homme (un commercial ou un trafiquant ?) qui les surveille et dirige les opérations, tout en fumant sa cigarette. L’objectif de cette opération consiste à ravitailler en essence et en produits de consommation courante les villages du Haut Caura qui ne peuvent pas s’approvisionner en ville, tout en leur revendant 10 fois plus cher qu’ils ne sont achetés en amont.
Le prix du baril de 50 litres coutant en moyenne 1 euro cela permet à notre trafiquant de verser aux militaires une modeste commission de 3200 bolivars. Cette petite somme ne l’empêchera point de rentrer dans ses frais en s’offrant de larges bénéfices et sans trop d’effort !
Ainsi, chargés comme des mules, les indiens grimpent par un petit sentier pour rejoindre les communautés plus éloignées, en direction du Brésil dont la frontière se situe à 2 jours de voyage seulement, au-delà des chutes du Para.
Après notre copieux petit déjeuner, nous les croisons femmes et enfants sur ce sentier de terre enrichi de feuilles et de racines. Sous la chaleur tropicale, l’effort est intense et très certainement épuisant sous des charges si lourdes.
Certains commencent même très jeunes à travailler. Et les femmes grimpent aussi, un bébé au sein ou enceintes jusqu’au cou. Finalement, les conditions de travail ont-elles réellement changé depuis l’époque où les mercenaires utilisaient les villages indiens comme main d’œuvre pour les travaux de portage et de récolte en forêt, en faisant d’eux de semi-esclaves ?
Pour notre part, quelques poses suffiront à gérer l’effort dans la moiteur.
Sur le chemin où nous prenons le temps de photographier de jolies fleurs, mais aussi d’observer papillons flamboyants et perroquets multicolores, nous croisons également des chercheurs d’or. Venus d’autres régions du Vénézuela, ces derniers ont un faciès complètement différent des indiens Ye’kuanas.
Au point culminant de notre balade, nous apercevons justement la mine d’or, située juste en aval du fleuve.
A notre arrivée, les militaires qui étaient censés nous tamponner ce même passeport nous regardent passer, passivement. Leur campement est sommaire mais fort pacifiste et empli d’une certaine quiétude. En effet, le cadre propice à la nonchalance invite presque à la méditation.
A l’autre bout du campement, en contrebas du village, les chutes du Para trônent sur la forêt à perte de vue dans le bas Caura.
Au total, quatre chutes d’eau au débit violent et à la couleur « Coca-Cola » déversent fièrement leurs litres d’eau avec une force saisissante et dans un grondement continu. Les embruns s’envolent dans les airs au-dessus de violents courants.
Nous voyant nous éloigner pour obtenir un meilleur point de vue, un jeune militaire ayant recueilli un petit rat dans sa main nous conduit de rocher en rocher jusqu’à la naissance des chutes. Suit une descente acrobatique heureusement sous le soleil avec peu d’humidité, juste la moiteur ambiante.
Devant nous, les indiens continuent leur « défilé », grimpant en famille et portant à dos d’homme, manioc, boissons et vivres en tous genres, mais aussi des magazines et des livres pour l’école.
Puis, nous les laissons pour une démonstration de machette dans un sentier plus serré à la végétation plus dense. Après une vingtaine de minutes, ce chemin nous mène au « Mirador ». Depuis une grande roche noire en dévers, s’offre à nous un panorama exceptionnel sur l’immensité forestière. Devant nous, à perte de vue, la nature dans toute sa splendeur, vierge de toute trace humaine. Ou presque.
Pas tout-à-fait intouchable depuis que quelques scientifiques commencent à s’intéresser à cette forêt classée « Parc National » en 1983. La vue est à couper le souffle. Au milieu de cette verte étendue, sillonne le Caura, dit « fleuve Roi », majestueusement.
En contrebas, nous n’apercevons même pas le village du Playon alors que nous l’atteindrons en 20-30 minutes seulement.
Une bonne baignade en guise de toilette s’impose alors. Tandis que le soleil se cache derrière les nuages, la petite Lusiana qui m’avait timidement approchée ce matin, me rejoint de nouveau avec son amie Sandra.
Je lui offre un peu de shampoing pour se laver. Ce geste simple de ma part l’amuse extrêmement et commence à nous rapprocher. Elle fait preuve d’une grande curiosité à mon égard ; elle me touche les cheveux, contrôle ma pilosité, toujours avec la joie et l’excitation d’une enfant, insouciante.
Plus tard, je récupère mon appareil photo et commence ainsi un atelier photo avec une petite partie de la communauté du Playon. Voici le début de l’excitation générale, en même temps que se crée « la rencontre ».
Elles veulent toutes apprendre à photographier, depuis leurs propres amies, leurs sœurs ou leurs petits frères, jusqu’aux lanchas postées à l’embarcadère et cela en immortalisant chaque détail, y compris ceux du paysage.
On enchaîne les pauses et les fou-rires. Elles font également la connaissance de Florence à qui elles décident de faire un relooking total, lui brossant les cheveux et la coiffant comme une véritable poupée. Si elles ne possèdent pas ce jouet, nous reconnaissons en elles de vrais talents de petites filles !
Le contact est facile et elles deviennent de plus en plus tactiles, avec un sens de la spontanéité étonnant, sans plus aucune distance. Elles nous enlacent, nous touchent.
Même les plus âgées d’entre-elles qui portent leur bébé en écharpe, participent au jeu jusqu’à la tombée de la nuit. Nous voici adoptées par la communauté qui se chargera de notre protection pour la nuit.
A la lueur de la bougie, un verre de rhum nous conserve dans la moiteur de cette belle journée, riche en souvenirs et en échanges.
Jour 6
Ce matin, nous avons la visite matinale d’un bébé grenouille, suivie de celle de mes amies Lusiana et Sandra pour un atelier d’écriture improvisé. Une autre façon de pallier à l’école buissonnière ! Malheureusement, leurs mères viendront rapidement rompre ce moment de spontanéité axé sur l’ouverture vers l’autre (culture), en leur rappelant qu’elles ont besoin de leur aide pour participer aux activités domestiques, à commencer par le portage de l’eau…
Très vite, la journée qui avait commencé par ce petit temps d’évasion plein d’amitié et de légèreté, prend d’autres tournures, annonçant une actualité chargée…
Témoins d’un attroupement hâtif autour d’un carbet, nous partageons aujourd’hui quelques émotions avec nos hôtes du Playon. Miguelito, prévenant, nous fait signe de ne pas approcher. En effet, sans connaître la gravité de ce qui se passe, il est préférable de rester à l’écart de ce qui ne concerne que la communauté, à laquelle nous n’appartenons pas. Après tout, nous ne sommes que des hôtes de passage, présents le temps d’une visite plutôt brève !
A présent, c’est tout le village qui s’est réuni autour de cet abri. L’événement prend un ton sérieux, même si les indiens restent très sereins… Véritable témoignage de leur faculté à surmonter les épreuves de la vie, cet « incident » nous rappelle encore une fois combien nous, sociétés occidentales, sommes vulnérables vis-à-vis des drames du quotidien.
Plus tard, il nous sera relaté que 2 mineurs, un homme et une femme, ont été blessé par balle à la jambe et au bras, tandis qu’ils travaillaient à la mine pour nourrir leur famille.
Victimes de l’orpaillage illégal, ces 2 chercheurs d’or ont été descendus en brancard par le sentier boueux et étroit que nous avons emprunté la veille. Ils doivent être évacués au plus vite à l’hôpital à Ciudad Bolivar. Combien de temps cela prendra t’il ?
Finalement, voici la preuve que les conflits concernant l’orpaillage illégal ne sévit pas qu’à la frontière. Même sur leur propre territoire, les indiens restent victimes de la violation de leurs ressources. Chaque année, en Amazonie, on recense des hectares entiers de forêt détruits et des cours d’eau pollués par le mercure utilisé pour l‘extraction de l‘or.
Certes, les conséquences de ces chantiers clandestins menacent de plein fouet le mode de vie et le nomadisme des indiens. Mais, outre les problèmes sociaux et environnementaux, la présence des « garimpeiros » est surtout facteur de l’accroissement de la violence. Des massacres ont lieu encore aujourd’hui dans les communautés frontalières, au Brésil comme au Vénézuela.
Pourquoi ce fléau échappe t’il aux autorités ? Quels sont les engagements des gouvernements au-delà des postes de contrôle pour éviter les approvisionnements sur les sites illégaux ?
Confrontés à cette triste réalité et face à notre impuissance, nous décidons de nous mettre en retrait des affaires de la communauté, en partant en expédition en pirogue jusqu’à la jungle glissante et luxuriante…
Une balade courte mais sportive qui alterne traversées de gués et enjambements de racines à travers une végétation dense et serrée. Point d’orgue de cette excursion, non, pas de stage de survie en jungle, mais une rafraîchissante baignade dans de larges vasques, dont une dalle fait office de toboggan.
En guise de guide local, c’est un pêcheur d’un âge avancé qui nous accompagne jusqu’à ce lieu préservé qui nous était « réservé » pour la matinée !
Après cette excursion ludique et agréable, nous retournerons déjeuner au campement où nous resterons jusqu’à ce qu’un féroce orage s’éloigne et que la pluie cesse.
Ensuite, comme pour faire revenir le soleil, Marun improvise une partie de pêche aux piranhas et aux poissons chats dans le fleuve couleur « Coca-Cola ». L’équipe locale sortira vainqueur de ce tournoi peu équitable, malgré un point marqué de ma part ou simple coup de chance ?
Pour consommer le fruit de notre pêche (assortiment de poissons chats et de piranhas), nous improvisons un barbecue « maison » sur notre plage de Robinson : encore un repas qui s’annonce frugal et convivial !
Toujours pas de caïmans à l’horizon, qui croit encore à la légende du Playon ? Florence commence à perdre tout espoir…
Les lucioles, elles, nous guident jusqu’au carbet collectif, en traçant notre chemin sur le sable doré.
Encore une belle nuit à savourer, bercés dans nos hamacs…
Jour 7
Derniers échanges de bon matin avec nos amies du village : au choix, photos ou coiffure, on ne s’en lasse pas !
Aujourd’hui, nous assistons encore à un véritable « débarquement » sur notre plage d’accueil, preuve que les indiens sont des adeptes du voyage nocturne !
Un véritable convoi de lanchas débarque au Playon ; les pirogues, chargées de bidons, de vivres et d‘objets de consommation en tous genres reviennent de la ville après un long voyage de nuit.
Hélas, la civilisation moderne a su créer de nouveaux besoins, en augmentant ainsi la pollution dans ce petit bout de paradis… qui se chargera d’évacuer tous ces déchets et produits non recyclables ?
Laissons le temps à notre équipe de replier bagages et baladons nous dans « l’arrière cour » du village. Ici, les indiens vivent sous de simples abris de toile sur lesquelles sont suspendus leurs hamacs. Un habitat très rudimentaire et fort exposé aux caprices climatiques.
Comme dans tous les campements amérindiens, le terrain de football connaît toujours autant de succès.
Sur la plage, les militaires sont de retour, adossés à un arbre avec leur nonchalance habituelle.
Pendant que nos « hommes » emballent les dernières vivres et nos affaires collectives, un cri s’échappe du carbet qui nous servait de salle à manger.
Une invitée surprise est entrée en scène ! Céline se charge des présentations… Au bout d’un bâton, se tient une belle velue noire et marron, prête à s’échapper dès que nous tournons la tête.
Le bâton planté dans le sable, elle attend peu de temps pour prendre la fuite en direction de notre pirogue en cours de préparation. Un second cri viendra prévenir mon amie Lusiana qui courait pieds nus dans la sable tout près de l’effrayante araignée.
Emotions faites, voici l’heure d’une autre épreuve : celle de nos adieux… Mais, il n’est pas si simple de quitter notre famille d’adoption !
Au fur et à mesure, la belle plage du Playon dorée par les rayons du soleil, disparaît… Au loin, mes 3 amies courent en nous faisant de grands signes, sans jamais nous quitter des yeux.
Voici une page qui se referme, mais pas sans questionnements. Que vont devenir nos amies ? Pourrons-nous les revoir un jour ? Se souviendront-elles de nous nous ? De nos instants de partage ? De cette rencontre ?
Le Playon a disparu… laissant leurs silhouettes s’effacer dans ma mémoire. Non sans regrets. La larme à l’œil.
Je me concentre sur le courant du fleuve qui nous ramène à grande vitesse vers la civilisation. Arrêts pour la forme aux postes militaires, comme à la maison.
Le rythme trop régulier de la navigation nous fait perdre de vue la somnolence de notre « commandant ». Heureusement, Marun, sous ses airs endormis a perçu le danger et envoie aussitôt Miguelito prendre la relève.
La nuit semble avoir été mouvementée pour certains, alcoolisée et débridée. Mais, grâce à notre équipage, « Monsieur » n’aura pas laissé son chapeau s’envoler et couler au fond de l’eau couleur « Coca-cola » .
Puis nous continuons notre descente sur le Caura, ce fleuve sur lequel nous naviguons pour le sixième jour et qui nous réserve encore d’autres surprises. A commencer par un charmant banc de sable propice au pique-nique et à la baignade. Sur le sable blond, un spectacle magique s’offre à nous : une colonie de papillons jaunes nous présente sa chorégraphie, comme un ballet d’ailes se laissant portée par le vent… dans un tourbillon lumineux : juste fascinant !
« Gare aux courants », nous crient les crocodiles qui surveillent notre baignade déclarée « dangereuse ». Le soleil au zénith, menaçant de plus en plus les peaux les plus translucides, nous devons vite interrompre notre « bain de soleil ».
A Boca Nichare, nous fera une rapide halte pour déposer Marisa et Almerson. La chaleur est torride et le campement déserté accélère ces nouveaux adieux.
Etonnamment, ces derniers m’inquiètent moins que la séparation précédente. Miguelito aime sa femme et sa situation va lui permettre de vivre suffisamment confortablement pour goûter aux joies de la ville, tout en ayant l’occasion de visiter régulièrement sa famille du Caura.
En pensant bien à elle, nous allons retrouver notre campement de la Cocuiza où nous avions commencé à nous reconnaître il y a presque 6 jours, déjà.
La lumière couchante est exceptionnelle et nous offre un beau moment de quiétude. Ce coin de nature est juste splendide, propice à la baignade ou à la méditation.
Sur un banc de sable à peine découvert, j’aperçois, au loin, la silhouette d’un homme qui pêche. Le bruit de l’eau m’apaise. Le soleil nous caresse la peau de ses derniers rayons. La magie des lieux continue d’opérer.
C’est notre dernière nuit ici… auprès du « fleuve Roi » !
Les bêtes volantes qui s’accrochent dans nos cheveux nous sont presque familières. Aussi rassurantes que les sourires de ces enfants qui partagent quelques instants avec nous sur le sable.
Ce soir, pour la dernière fois, le murmure du fleuve va bercer nos hamacs. Nous emportant tantôt dans le rêve, tantôt dans le souvenir d’une très belle aventure, assurément.
JOUR 8
Réveillée par les premières lueurs du jour, j’écoute, toujours bercée dans mon hamac, le doux chant du fleuve déjà en activité. La nature a pris les devant et précède de quelques dizaines de minutes notre équipe locale encore endormie.
Comme une faveur offerte par les lois de la nature, ces réveils matinaux m’apportent des privilèges que personne d’autre ne peut partager. Comme des instants de liberté qui me sont réservés…
Et c’est particulièrement ces petits moments que j’apprécie en voyage, en-dehors du temps consacré aux rencontres et à la découverte.
Première levée, première aux aguets. A l’écoute de ce qui se passe. Dans un village, sous un carbet ou même encore, comme ici, dans la nature.
Le souffle du vent dans une branche, une légère brise sur la mer, le vol d’un papillon multicolore. Que ces moments d’observation et de contemplation se font rares dans notre quotidien !
A moi de les apprécier doublement ce matin, car dans quelques heures seulement, nous aurons rejoint la civilisation.
Au compteur, trois heures environ de navigation pour observer une dernière fois la vie du Caura. Un envol majestueux d’oiseaux multicolores, de perroquets sauvages ou de pêcheurs aux longs becs. Ou encore le plongeon furtif d’un boto, ce dauphin rose d’Amazonie.
Le Caura et son festival de lumières magiques… du camaïeu de verts de ses palmiers moriches aux reflets dorés de ses bancs de sable avec un point de vue impressionnant sur l’immensité de la forêt encore préservée qui l’encercle.
Avec la force du courant et la vitesse de l‘embarcation, la descente prend des airs un peu plus sportifs ; il faut s’accrocher pour ne pas rebondir comme une crêpe sur la pauvre planche rongée par l’humidité qui fait office de siège. Et se couvrir sous la bâche ou les capes de pluie pour ne pas avaler de force l’eau couleur Coca-Cola.
Planqués dans les berges marécageuses, de toutes petites pirogues en bois guettent le piranha.
Pourtant, au vue de l’épaisseur de la forêt et de son obscurité, il est relativement difficile d’imaginer une vie humaine susceptible de s’adapter à cet environnement si luxuriant.
D’ailleurs, sachant que l’essence commence à manquer, nous sous sentons quelque peu désarmés face à cette végétation exubérante. Dès que le piroguier arrête son moteur pour demander de l’essence à une embarcation voisine, c’est une chaleur de plomb qui s’écrase sur nous. Combien de temps de navigation reste t’il encore à parcourir ?
Au vue du nombre de refus que nous essuyons, nous nous posons toutes les questions les plus mathématiques concernant les capacités de contenance de notre réservoir d’essence.
Notre piroguier n’aurait-il pas par hasard confondu un bidon d’essence avec la bouteille d’Abuelo, durant sa mémorable soirée d’adieu ?
Ce serait dommage de terminer l’aventure par un incident pétrolier de la sort, pesant si peu dans la balance par rapport aux tonnes de cet or noir puisé dans les réserves notre pays d’adoption !
L’Aventure n’étant pas un système infaillible, l’explication rationnelle apportée concernant le manque d’essence nous rappelle l’expertise du peuple Ye’kuanas en matière de logistique fluviale.
En effet, si nous n’avions pas réalisé la petite partie de pêche non prévu au programme, il nous serait resté exactement la quantité d’essence nécessaire pour terminer notre escapade. Calculée au litre près pour limiter le poids du ravitaillement sur notre frêle pirogue, la consommation d’essence pourrait devenir une science exacte chez nos hôtes !
Et comme tout a été prévu pour la satisfaction des clients que nous sommes – plus que de vrais aventuriers, sachant braver les éléments naturels par leur seule force humaine -, c’est avec un grand soulagement que nous reconnaitrons soudain, au loin, la petit plage de Maripa sur laquelle nous viendrons nous échouer sous l’œil averti des bikers du coin.
Après avoir remis un pied sur la terre ferme, il est temps de faire l’état des lieux de notre farouche pirogue à moteur dont nous sommes redevables d’une très belle histoire.
Dans son fond rempli environ sur dix centimètres de hauteur, des sandales flottent encore sous la glacière, de bâbord à tribord, dans l’attente que ses propriétaires daignent faire acte de reconnaissance.
Ce sont également des papiers de bonbons ou autres déchets qui se sont répandus dans cette piscine improvisée couleur locale.
Sans savoir si nous avons plus fière allure que notre embarcation, les regards curieux se posant sur nos bagages et observant avec intérêt nos démarches engourdies, nous poussent à croire que Maripa est résolument devenue un hameau dénué de toute animation.
Après une mini-toilette de principe pour tenter de passer un peu inaperçu, retour à la civilisation… le temps d’un breakfast dans la boulangerie du coin !
Petite ville rurale, Maripa symbolise la mixité ethnique. Grand nombre d’indiens sont venus ici se sédentariser pour profiter des bienfaits de la société moderne. Les visages métissés que nous croisons en portent les preuves réelles !
A commencer par la famille de Miguelito que nous quittons avec beaucoup de sollicitude : un chouette garçon ! Et surtout, un heureux papa…
C’est en compagnie de son père, le chef du village de Boca de Nichare, que nous entamerons la vraie transition du retour à la vie urbaine, progressivement. Sur une route luxuriante bordée tantôt de manguiers et d’avocatiers, tantôt de bodeguitas.
Avec, toujours, comme toile de fond un ciel lourdement orageux qui ne tardera pas à éclater sur notre pare-brise. Les joies de la conduite avec visibilité zéro sur une route légèrement vieillissante.
Petit à petit, le paysage gagne en aridité, les grands arbres de la forêt se transforment en arbres fruitiers dans des champs cultivés. Les hameaux et bourgades se resserrent, mais conservent des airs de campagne agréables et ressourçant. Ca et là, sur les bordures de la route, des roches basaltiques éparses, telles que nous avons pu les voir sur dans leur milieu naturel d’origine, sur le Caura.
Nouvel arrêt chez nos amis qui nous offrent fruits et eau courante en guise d’hospitalité, contre la garde d’un jeune garçon fiévreux que nous ramènerons à Ciudad Bolivar.
Petit à petit, le trafic s’intensifie, la pollution nous couvre de son nuage opaque. Premières zones industrielles. Premiers magasins de meubles et premiers concessionnaires. Autant de signes apparents qui symbolisent véritablement la société industrialisée.
Sans oublier le bruit ambiant. Des klaxons, des chantiers, des moteurs… et, bien entendu, celui dont on ne se lasse pas, celui de la musique…
C’est au bord de la piscine que nous savourons notre confort bien mérité : « Welcome back » à La Cumbre ! Chambre confortable, climatisée (enfin, quand on arrive à retrouver l’unique télécommande de l’hôtel…) et Pina Colada à volonté dans une ambiance « muy caliente » !
Cette après-midi, La Cumbre accueille un groupe de jeunes adolescentes pour un défilé de mode amateur à la sauce « vénézuelienne »… Très belles, mais surtout fort jeunes, elles ont appris les règles fondamentales de la beauté qui fait encore le mythe dans ce grand pays. Qui sait si l’une d’entre-elles arrivera un jour à décrocher à nouveau le titre de Miss Monde ?
Le spectacle fini, c’est tout le restaurant qui se vide, nous laissant l’espace entier pour faire le bilan de notre aventure terminée et rêver ensemble des prochains jours qui nous restent à partager.
Ici, sur ces notes quelque peu nostalgiques, nous quittons l’homme qui nous a conduit vers le sud du pays, notre chauffeur : Julio ! Et Bienvenido à José, avec qui nous faisons amplement connaissance autour de quelques bières fraîches offertes par la maison. 3 verres d’amitié valant mieux qu’un, l’invitation à poursuivre les festivités toute la nuit ne nous semble guère raisonnable !
Il ne reste que 2h30 pour tenter de trouver le sommeil dans une chambre à la moiteur plus que tropicale dès lors que l’on décide de bannir les ventilateurs bien trop bruyants !
Et côté rue, si la fenêtre daigne s’ouvrir, c’est le ronron de la circulation qui nous tient en éveil jusqu’au lever ultra-matinal !
Et là, déjà, même pour 2h30, nous commençons à regretter les nuits en hamac dans la nature…
JOUR 9
Comment exprimer que ce lever sera l’un des plus difficiles de tout le voyage ???? Il fait vraiment trop chaud la nuit à Ciudad Bolivar !
Rendez-vous ce matin, un peu plus loin, avec les travailleurs du coin dans une boulangerie pour un autre déjeuner gourmand.
Comme les « pastéis » de Lisbonne, les boulangeries qui offrent un large choix de douceurs sucrées et de spécialités salées, nous invitent à partager un peu du quotidien des vénézuéliens.
Etudiantes ou écoliers, hommes d’affaires ou mères de famille : voici un lieu animé où il fait bon flâner et se rassasier, à toute heure de la journée !
Ces charmants lieux de vie proposent même, à côté des brochettes de charcuterie aux couleurs chair tendancieuses, des collections fantaisie de figurines glacées et marbrées de toutes les couleurs pour égayer mariages et baptêmes avec gourmandise… la crème du kitch servie sur de faux plateaux d‘argent et conservée précieusement sous vitrine !
Vu la route qui nous attendait jusqu’à la prochaine pause « gastronomie », il fallait réellement mieux se ravitailler avec force et conviction et surtout, sans jugements culturels…
Rythmé par la salsa, la cumbia, le merengue et le reggaeton, notre voyage tout confort dans ce véhicule fort moderne et spacieux, allait nous conduire sur la côte Caraïbes, après avoir traversé les grandes plaines de Maturin sur une route à l’américaine. Droite et directe, à l’infini ou presque !
Avec tout de même de nombreuses opportunités de haltes pour se désaltérer, se ressourcer ou encore faire quelques achats de souvenirs et de compils musicales locales. Dans mon sac, j’emporte donc un hamac tressé aux couleurs de ce beau pays métissé !
Cette région d’El Sucre, fort industrialisée, contraste tellement à celle que nous avons quitté la veille. Camions et voitures neuves affichent les derniers modèles des plus grandes marques automobilistes, avec le maximum d’options.
Outre les vitres teintées qui caractérisent grand nombre de pays d’Amérique du sud, ici, on sait que le pétrole coule à flot…
Après la grande ville de Barcelona, bienvenido à Puerto la Cruz… ou la Côte d’Azur du Vénézuela ! Ici, l’argent a fait fleurir des immeubles flambants neufs et ultra modernes et des yachts à étages.
Fruit du trafic ou de la corruption ? Résolument, c’est une autre vitrine de l’Amérique du Sud que nous découvrons. Bien loin des communautés indiennes qui vivent en harmonie avec la nature.
L’attrait de la mer en plus, cette mégapole plaît à tous ceux qui aiment la luxure et le plaisir…
Heureusement, cette traversée n’est qu’une toute petite étape dans notre voyage qui se poursuit dans les lacets verdoyants du littoral, surplombant la grande bleue bordée de palmiers.
Si les « amuse-gueules » achetés à travers la vitre en bordure de route et dans les bouchons urbains ont distrait notre estomac, il est grand temps à présent de passer aux choses sérieuses. Malheureusement, les adresses connues de nos compagnons de route affichent toutes fermées pour l’heure…
La faim nous tenaille au fur et à mesure que nous enchaînons les virages. Voyant les gargottes de bord de route se raréfient, en même temps que le paysage devient de plus en plus sauvage, il devient utile de revenir en arrière.
Jusqu’au dernier village côtier que nous avions aperçu en contrebas : Santa-Fé !
Si l’optimisme était jusqu’ici au point mort, l’enthousiasme revient très vite lorsque nous mettons enfin le pied sur terre après environ 6 heures de route et des dizaines de lacets.
La baie colorée de Santa-Fé, distillant les odeurs fraîches et iodées de la mer embaume immédiatement nos esprits. Très vite, la curiosité nous invite à la découverte, errant sur le front de mer. Sous une petite hutte, les pêcheurs discutent avec nonchalance devant des étalages presque vides, sur lesquels quelques poissons fort calibrés ont rendu leur dernier souffle.
Attirés par la chair maritime, des pélicans, perchés sur la proue des barques de toutes les couleurs, guettent de très près leurs proies.
D’autres pêcheurs bichonnent leurs barques en leur refaisant une beauté, relooking ou rafraîchissement, selon les besoins.
Nous déjeunons – enfin !!! – les pieds dans l’eau avec cette vue exceptionnelle sur la baie ; ça valait bien le coup d’attendre si longtemps, n’est-ce pas ???
Humer l’air marin en appréciant le spectacles de ces lumières éclatantes, voici qui nous remet vite les idées en place après un long trajet confiné en voiture.
Prêts à embarquer pour une autre adresse « Les pieds dans l’eau », nous embarquons dans une pinasse bâchée pour un autre « voyage » à l’air libre, cette fois-ci.
Nouveau départ avec notre nouvelle équipe, constituée d’un capitaine, de son assistant/stagiaire et d’un cuisinier.
Cap sur les îles Caracas au cœur du plus grand parc marin du Vénézuela : le parc Mochima.
Nous prenons très rapidement le large en longeant cette côte presque désertique aux couleurs ocre qui contrastent avec le bleu azur de la mer.
Les pélicans, ces grands oiseaux aquatiques, nous accompagnent de leur cri rauque.
Rafraîchissante, cette excursion nous dépose sur une crique déserte et protégée des alizées où nous installerons nos tentes. Un vrai coin de paradis encore intact pour une robinsonnade d’une nuit.
L’ivresse maritime décuplant l’attrait des plaisirs balnéaires, celle-ci nous pousse immédiatement au fond de l’eau, armés de nos masques et tubas. L’eau cristalline offre une visibilité de qualité pour courser tous types de poissons tropicaux le long des tombants.
Un vent de liberté s’éprend du groupe, devant un lieu si évocateur et propice au bien-être.
Le soleil se couche embrasant le ciel et se reflétant dans la mer. La carte postale est juste parfaite !
Dans ce décor paradisiaque et préservé, nous nous apprêtons à partager notre dernière nuit tous ensemble. Loin des chaînes d’hôtels impersonnels.
Perdus au milieu de nulle part, voici le lieu idéal, si secret et si calme pour faire griller de délicieux poissons fraîchement pêchés et les déguster autour d’un feu de camp, éclairé par la seule lueur de la lune.
Du bonheur à l’état pur que nous prolongerons par une discussion franco-espagnole animée, arrosée de quelques verres de rhum et rythmée d’éclats de rire. Notre façon de noyer en quelque sorte cette nostalgie commune, celle d’une séparation toute proche.
Seule la musique manque pour libérer davantage les esprits de leurs trivialités mondaines et atteindre ainsi l’explosion de bien-être, l’insouciance absolue. Au-delà des préjugés ridicules et soumis aux règles sociales. La joie de vivre, tout simplement.
Mais, la beauté des éléments naturels prendra le dessus. Sous cette nuit étoilée insolite, le vent souffle très fort sur la tente… Et les vagues se brisent avec bruit sur le rivage.
JOUR 10
Encore une nuit franchement très/trop courte… Mais quand on dort si près de l’eau, comment ne pas résister à l’appel de la baignade pour éveiller les esprits les plus embrumés ?
Les vapeurs de rhum ont plongé certains dans un sommeil si profond que même le vent n’a pas même réveillé. Ni même les petites chèvres qui viennent errer sur la plage à la quête de quelques victuailles à engloutir.
Fraîche mais tonique, la mer nous apporte la vitalité nécessaire pour démarrer la journée comme si nous avions complètement rechargé les batteries.
Pendant que l’équipe remballe tranquillement les tentes et le matériel de cuisine, nous profitons de cet instant pour ne rien faire où juste s’allonger au soleil pour un temps de farniente réparateur.
Le ton de la journée est donnée… rien de très intensif au programme de cette décompression finale dans un cadre maritime propice à la détente.
De retour sur notre pinasse, nous partons de nouveau explorer l’un des coins secrets des 940 km2 du Parc de Mochima. Nouveau plongeon, mais cette fois-ci dans une eau un peu plus fraîche car plus exposée pour rejoindre à la nage une petite grotte sous-marine.
Un peu plus loin, une autre grotte qui abrite une collection d’ex-voto. Très certainement un hommage aux marins vénézuéliens disparus dans les creux d’une mer capricieuse un jour de grand vent.
Le snorkeling continue à « La Piscina », une charmante plage aux eaux cristallines protégée dans le creux d’une petite baie. Ici encore, l’eau a perdu quelques degrés. Mais, le spectacle de la vie sous-marine nous incite à garder le plus longtemps possible la tête sous l’eau.
Des poissons tropicaux de toutes les couleurs et de toutes les formes dansent en liberté autour des coraux. Mais, à cette faible profondeur, nous manquons d’espace pour nous stabiliser sans nous faire pousser par les courants vers les rochers.
Pour nous remettre de cette baignade un brin tonique, des fauteuils et transats nous attendent à l’abri du soleil. Concept de la « plage privée » vénézuelienne, ce petit snack met à disposition de ses clients le confort minimum pour apprécier la sérénité du cadre tropical.
Outre un abri pour les pêcheurs, la plage semble avoir été privatisée pour nous. Comme si le temps s’y était arrêté. Jusqu’à ce que le moteur d’un petit hors-bord vienne interrompre notre quiétude.
Arrivant de Puerto la Cruz, cette embarcation à moteur qui laisse échapper les refrains de morceaux de salsa et de merengue, nous renvoie un peu à la réalité.
Cependant, contrairement aux propriétaires de yachts de la Côte d’Azur, l’équipage familial dont nous faisons très vite connaissance ne correspond pas du tout au stéréotype de la famille « bling bling » qui vient étaler ses collections de bikinis de grandes marques en public.
Tout au contraire. A l’image de leur pays, ces vénézuéliens fort souriants cherchent la rencontre, ravis de pouvoir communiquer avec des européens.
La musique saura très vite mettre tout le monde à l’aise, et ce, malgré la barrière de la langue.
Leurs jeunes filles au métissage plein de charme nous observent avec certes, curiosité, mais aussi une grande retenue, pendant que les deux hommes de la famille me tendent un verre de whisky. La glace est rompue et la rencontre officialisée, sous l’œil méfiant de notre équipe locale qui termine sa nuit sur notre pinasse.
Avec un geste paternel, notre guide viendra mettre fin à cette parenthèse linguistique que nous avons improvisé, de l’eau jusqu’aux cuisses. Par la même occasion, il nous rappelle que nous devons, hélas, reprendre la mer pour accompagner ceux d’entre-nous qui doivent rejoindre Caracas dans la soirée.
Mon nouvel ami se propose de nous ramener directement à Puerto la Cruz avec son hors-bord. Malheureusement, ayant déposé nos bagages dans une pousada de Santé Fé, nous n’avons pas le choix que de faire le détour par ce village de pêcheurs et par conséquent, d’abréger notre agréable après-midi balnéaire dans ce petit paradis tropical.
Voici les aléas du circuit organisé, laissant peu de temps à l’improvisation…
L’équipe locale nous ayant laissé plus de temps que prévu pour en profiter, c’est à grande vitesse que nous rejoignons le port de Santa-Fé, sans nous arrêter pour observer dauphins et oiseaux marins.
Débarquant en maillots et paréos, nous attirons encore les regards des curieux dans cette baie de pêcheurs… Mais, très vite, nous récupérons des allures de touristes plus « occidentaux », en retrouvant nos affaires dans la fameuse pousada, dans laquelle il nous sera possible de prendre une vraie douche presque chaude !
Un petit détail mais pas des moindres qui marquera la fin de quelque chose : c’est l’heure de la 1ère séparation… Trois d’entre-nous partent à Barcelona où un avion les attend pour Caracas.
Les adieux sont trop rapides… aucun temps mort, ils doivent partir ! Ce qui ne nous laisse même pas le temps de partager un dernier verre. Et de se remémorer tous les joyeux instants vécus ces dix derniers jours. Es la vida !!!! La « grande famille » n’est plus…
Mieux vaut fermer les yeux sur cette parenthèse nostalgique et profiter de la sympathique option que nous a offerte notre guide qui a divisé le groupe en deux pour rester une nuit supplémentaire à Santa-Fé.
Nous voici en tête à tête entre filles sur la baie de Santa-Fé. Sur les recommandations de notre guide national, nous évitons, même si l’aventure est tentante, de partir en exploration dans ruelles en bordure de route. Seul le front de mer étant « sécurisé ».
En marchant les pieds dans la sable, nous longeons une série de baraques colorées dont les fenêtres grandes ouvertes, derrière de lourds barreaux de fer, nous dévoilent leurs intérieurs.
A cette heure avancée de l’après-midi, la plage ne manque pas d’animation, tout en conservant un caractère essentiellement familial et bon enfant.
Les hommes, assis sur leurs pinasses discutent entre eux. De jeunes amoureux se baignent dans les vagues tièdes. Les enfants courent partout, en grande liberté.
L’heure des rendez-vous et du temps libre. Il semblerait que toute la communauté de Santa-Fé se retrouve ici pour profiter du spectacle du soleil couchant.
Un groupe d’adolescentes épanouies joue à saute-mouton. Cette petite parenthèse de vie respire harmonie et convivialité, dans un décor digne d’une carte postale tropicale.
Devant autant d’animosité, nous posons timidement un bout de paréo pour lire une page ou deux de notre guide. Mais, la lecture restant un plaisir solitaire, cette activité sera rompue par un trio d’adolescentes au sourire « ultra-bright ». Complices et curieuses, elles délient leurs langues pour lancer une séance linguistique.
Entre le cours de géographie et la leçon d’anglais, nous improvisons quelque discussion pour comprendre ce qu’elles étudient et d’où elles viennent. Ravies d’avoir tapé un brin de conversation avec nous, elles nous confient, en échange d’une petite série de photographies, leurs coordonnées Facebook afin de récupérer nos clichés.
Malgré la barrière de la langue, leur facilités en matière de communication vis-à-vis de deux européennes déchiffrant à peine trois mots d’espagnol, nous ouvre à d’autres opportunités de rencontres.
Encore plus spontanée, une adorable petite fille aux boucles brunes qui vient nous offrir son sourire innocent. La joie de vivre se lisant au fond de ses yeux rieurs nous emporte dans un nouvel échange amical improvisé. Agé de 5 ans seulement, cette demoiselle peu farouche nous apprivoise en quelques instants seulement, offrant ses éclats de rire à nos objectifs.
Son plus jeune frère, tout aussi beau, nous rejoint pour une autre série de photographies. Innocents et d’un grand naturel, ces adorables enfants n’ont pas besoin de simuler leur enthousiasme. Ils portent en eux une gaieté d’une telle légèreté et d’une si grande intensité que nous ne savons plus comment les remercier de nous offrir de tels heureux instants de partage.
Hélas, le soleil descendant de plus en plus bas sur la plage, embrasant le ciel et rougeoyant les reflets sur la mer, nous devons malheureusement interrompre cette magie pour rentrer sagement à notre pousada. Comme nous, femmes et enfants quittent les lieux.
C’est l’heure du couvre-feu général. Il est conseillé, dès la nuit tombée de ne pas errer dans ces quartiers. Difficile à croire après avoir été témoins d’autant de signes de générosité et de chaleur. Comme si le village entier nous avait adoptées.
Mais derrière cette ambiance nonchalante aux airs de bout du monde, se cache une autre réalité. Celle d’une Amérique latine touchée par la drogue et l’alcool. Où les règlements de compte ne sont pas sans danger. Dans cette petite bodeguita bleu azur, la musique particulièrement forte invite à s’installer aux tables en terrasse.
Mais, nous passons notre chemin, respectant les conseils avisés de Marun pour préférer retourner derrière les grilles de la Pousada aux couleurs marines. Une douche réparatrice et tout le confort d’une chambre individuelle rien que pour nous nous attendant.
Notre ami étant de retour de l’aéroport, nous retournons une ultime fois en front de mer pour un dîner gourmand mais également écourté. Il est tard et nous avons tous les trois si peu dormi depuis… combien de nuits ???
Dans la moiteur de la nuit, nous entendons les va-et-vient des 2 roues autour de la bodeguita à la clientèle exclusivement masculine. Très certainement armée, nous confie notre chauffeur.
Sur le toit-terrasse, nous nous imprégnons une dernière fois de cette atmosphère aux airs de fête. Sur les rythmes de la salsa qui ne s’arrêteront qu’au petit matin. Autant de rythmes et de notes ensoleillées qui rappellent la richesse et la générosité de ce très beau pays.
JOUR 11
4h30. Le coq chante déjà depuis 1 heure. Le ventilateur fait oublier la moiteur ambiante, mais la nuit fut trop courte, une fois de plus ! Un début de mal de gorge ? Un petit rhume qui s’annonce, très certainement.
5h : encore un départ à l’aube, une façon de s’éclipser comme des voleurs.
Pourtant, dehors, une partie du village s’active déjà. Mais, la musique n’est plus, si bien que nous nous sentons aussi seuls que des clandestins qui profiteraient de la négligence de garde côtes pour passer une frontière interdite.
Plus qu’une frontière, c’est la fin d’une très belle parenthèse qui se referme. Les dernières séparations approchent, en même temps que le voyage touche à sa fin.
Je salue Alexis d’une rapide poignée de main par la fenêtre du camion avant que celui-ci ne se lance sur la route du retour.
Pour les plus insomniaques d’entre-nous, José alterne reggaeton et merengue. Les images des jours passés ressurgissent avec une note de nostalgie. Le silence qui pèse dans le véhicule traduit cette anxiété qui n’est que fatalité.
Heureusement, au fur et à mesure que défilent les paysage, les scènes de rue et l’animation au bord des routes, le fils de José âgé de 3 ans parvient à me distraire quelques instants, pour m’extraire de cet état « hors du temps », ancré seulement dans le passé.
Sur les routes, se vendent toutes sortes de choses pour consoler le chauffeur en mal de patience. Café, cacahuètes, glaces ou fruits exotiques : pas besoin de marquer d’arrêt pour faire des achats, les vendeurs se postant au milieu des routes, entre 2 voies et profitent des encombrements routiers pour faire leur commerce. Les boulangeries et autres snacks de cuisine à emporter sont également très fréquentés.
Après Puerto la Cruz, nous traversons une région plus luxuriante, bordée de bananiers et de manguiers qui poussent comme des petits pains. Une vie rurale dont on ne se lasse pas d’observer, mais à travers les vitres teintées.
A l’approche de la grande ville précédent Caracas, nous sommes pris en otage dans un immense embouteillage. Ce laps de temps nous permets de nous rendre compte de l’étendue des barrios sur les flancs du la montagne.
Ca et là s’enchevêtrent parpaings et fils électriques dans un gigantesque labyrinthe de toues les couleurs. Nous sommes loin des HLM et autres logements sociaux de nos villes françaises.
L’embouteillage finit par se résorber. La simple cause de celui-ci serait-il réellement cette voiture stationnée au milieu d’un carrefour ? Voici qui parait peu anodin… Mais, quoi que ce soit la réponse, la juste philosophie, c’est de ne pas perdre patience et d’attendre.
Nous entrons à tâtons dans la capitale, José ne connaissant pas bien les méandres de Caracas. Alta Mira ou Playa Francia, c’est ici pourtant le poumon touristique de la ville. Un quartier fort animé, très vivant.
Hélas, nous n’aurons même pas le temps d’y jeter un œil, ni même de préparer les dernières séparations ; je dois descendre du véhicule pour monter dans un autre car, pour ma dernière compagne, le temps est compté ; la route pour l’aéroport étant parfois fort encombrée. Or, il ne lui reste que quelques heures avant son vol international.
Comme au saut du lit, c’est sur le trottoir de l’hôtel « La Foresta » que je tends une poignée de main généreuse à José, un « adios » amusé à son fils et à sa femme et une accolade plus que chaleureuse à Marun, dans un silence qui en dit plus qu’un long discours mal improvisé.
L’émotion est palpable, même si les mots manquent. Mieux vaut ne pas éterniser ces instants empreints de nostalgie. José a passé la main à Francisco, un homme d’une cinquantaine d’années dont la silhouette longiligne contraste avec l’embonpoint généreux mais réconfortant de nos précédents accompagnateurs.
Musicien, mais aussi webdesigner, Francisco a 1001 astuces dans son sac pour faire face à la précarité. Il a beaucoup voyagé en Europe, mais aussi en France et cela jusqu’au barrage de la Rance ! Hélas, derrière cette façade d’homme ingénieux et cultivé, il révélera plus tard des talents de séducteur à la « mode vénézuelienne ». Légèrement décevante, cette stratégie « d’attaque » qui tend à se généraliser.
A Marracay, nous sélectionnons un taxi pour la suite du voyage, tandis que Francisco gare sa voiture chez son frère, dans un quartier résidentiel très cossu. En effet, avec un bras luxé, il est peu recommandé de la laisser conduire sa voiture dans les nombreux virages de la route qui sillonne le Parc National Henri Pittier.
Bien que dépaysante, cette route met à rude épreuve les estomacs les plus accrochés, qui douteraient encore de l’intérêt de la destination finale. Aussi bien les chauffeurs qui doivent gérer les face à face avec les bus bariolés qui crachent leur fumée noir dans un bruit de moteur aérien. Impossible d’imaginer comment les passagers supportent encore ce genre de « tord boyaux », malgré l’ambiance délirante qui règne à son bord.
Vierge de toute habitation, le parc n’est habité que dès lors que l’on se rapproche de Choroni où nous arrivons au bout de notre peine, après avoir grimpé deux fois de suite à 1800 mètres d’altitude.
La tête me tourne légèrement et la fatigue accumulée les derniers jours ne favorise pas l’acclimatation.
Choroni, petit village paisible aux maisons basses de toutes les couleurs. Sous une végétation luxuriante et fort exotique, cette bourgade a des airs de petit paradis. Loin de tout et propice au savoir vivre, à la farniente.
Mon camp de base sera une adresse de charme au style colonial : la pousada Semeruco. Un grand patio abrite de vieux et grands arbres, ainsi qu’une élégante fontaine. Chaque chambre est équipée d’un hamac et de son transat en exotique qui donne sur la cour rectangulaire. L’accueil chaleureux de ses propriétaires ne fait qu’augmenter l’attrait de cette adresse de grand luxe !
Après une pause fraîcheur, la visite du village animé de Puerto Colombia m’assourdit presque tellement le contraste avec les lieux déserts visités ces derniers jours est saisissant. A chaque coin de rue, des commerces en tous genre où se promènent jeunes et familles, des vénézuéliens de la ville et des « negros » (dixit Marun). Les bus klaxonnent et des deux roues surgissent de tous côtés.
Durant le week-end, Puerto Colombia est une destination très prisée par les vénézuéliens qui viennent s’y reposer, loin de l’agitation urbaine.
La grande et longue plage où s’éclatent de grosses vagues est bordée de palmiers où quelques tentes ont été plantées. En période de vacances scolaires, la plage est envahie et devient un véritable campement Quechua.
Le Malecon, cette grande promenade qui longe la baie accueille de nombreux vendeurs d’objets artisanaux.
Ce soir, comme tout samedi soir, Puerto Colombia est en fête et accueille le groupe vénézuelien, « Mermalade Bunch ». Parmi ses fans, un public extrêmement jeune. Mais des familles accompagnées de ribambelles d’enfants se joignent aussi à l’événement.
http://www.mermeladabunch.com/
Le concert alterne les chansons plutôt « latino-rock » du groupe aux démonstrations de percussions menées par le clan des habitants afro-antillais. Les « tamboures », hauts et longs djembes en bois résonnent en écho, mettant la foule en délire.
Les danseurs et danseuses entament à tour de rôle une danse en face à face, à la limite de la transe, un peu comme un capoeiriste entre dans la « roda ».
Certains ont consommé un peu trop de Guarapita, cette spécialité alcoolisé de Choroni, préparée à base de aguardiente (rhum de mauvaise qualité), de fruits de la passion (parchita) et de sucre à qui on prête des vertus hallucinogènes à condition d’en avoir bu plus de 4 verres !
Tous les jeunes de Choroni dansent avec leur bouteille d’un litre et demi rempli de ce cocktail artisanal qui circule de main en main.
L’ivresse de la fête se poursuit bien plus tard que le « boeuf » musical entre le groupe de jeunes percussionnistes et les « tamboures ».
En général, le point d’orgue de la fête a lieu sur la grande plage de sable blond où les tambours résonnent jusqu’au petit matin. Pour ma part, même si le village sans cesse parcouru par une patrouille de police qui lui assure une réputation « safe », je profite du démontage technique du concert pour m’éclipser à la pousada, avant que les vapeurs de la guarapita ne gagnent tout le public.
Dans la rue, les motos et les scooters continuent d’affluer, tandis que je n’entends même pas les membre de « Mermelada Bunch » rentrer à la pousada. Au pays de Morphée, la fête est déjà terminée et le confort de cette chambre 4 étoiles me persuade d’y rester.
JOUR 12
Quoi de plus appréciable qu’une bonne douche chaude pour se détendre de bon matin ? Est-il utile de souligner que ce sera la première depuis plus de 12 jours ??
Comme tous les lendemains de fête, le personnel de la pousada, bien que très attentionné, travaille à « l’heure malgache » : mora mora…
Réveillée à 4h du matin comme toux ceux qui vivent en osmose avec la nature, au rythme des saisons, je révise quelques bribes d’espagnol dans mon hamac, avant de déguster le petit déjeuner locas, riche en saveurs délicates : une soupe de poisson au citron parfumée à la coriandre, accompagnée de petits pain « maison » et du fameux jus de citron melon servi très frais.
A mes côtés, le groupe « Mermelada Bunch », prend son petit déjeuner en pyjama… aucune photo people à vendre, le show-business n’étant pas ma tasse de thé !
Je clos la parenthèse relaxation et prends la direction du port de pêche où toutes les lanchas sont groupées (voire entassées), encore amarrées… l’agitation qui règne sur l’embarcadère relève d’un sens inné de l’anarchie !
Beaucoup plus posés, les pêcheurs, en second plan, qui trient leurs filets nonchalamment.
C’est dimanche, jour du seigneur et jour du repos en famille. Des bras musclés et cuivrés chargent une voiture de bidons et de bagages ; les hommes s’entassent debout à l’arrière du pick-up, là où le chargement leur laisse encore quelques centimètres carrés de marge de manœuvre.
Au Vénézuela, le dimanche est aussi synonyme de pique-nique géant, un peu comme à la Réunion. Ici, la glacière a détrôné le téléphone portable, emblème national ! Les glaçons vendus dans des sacs plastiques sont donc jetés dans ces nombreuses glacières à roulettes. J’imagine un tel ballet dans le hall des départs d’un grand aéroport, où la glacière se substituerait à la valise !
Prête à embarquer à mon tour, mon choix se porte sur une lancha 100% couleur locale… Bien sûr, ne comprenant pas grand-chose de ce que l’on me raconte en espagnol, je me laisse totalement guidéer jusqu’à la destination finale !
De grosses vagues nous font décoller de l’embarcation ; la conduite, bien que professionnelle, reste sportive… durant presque 15 minutes !
A Chuao, on m’indique de descendre, mais je n’ai rien payé ???
Bienvenido dans ce petit havre de paix où règne nonchalance et « zenitude » absolues.
Les pêcheurs inactifs, se reposent à l’ombre, assis sur les mailles de leurs filets.
Un peu plus haut, dans la rue, des bodeguitas diffusent salsa et merengue grâce à un ampli géant installé sur le trottoir… voici ce qui caractérise Chuao également : la discothèque géante en plein air d’une population d’origine 100% afro-antillaise.
Je choisis de rejoindre à pied « el pueblito », le temps d’une marche plaisante sur une route ombragée qui longe plantations de cacao, bananiers et avocatiers.
Une terre magique sur laquelle pousse le fameux « criollo », un cacao à l’arôme puissant et délicat, qui surprend par sa consistance onctueuse et son goût savoureux.
Ca et là, de rafraîchissants ruisseaux et cours d’eaux qui irriguent les plantations luxuriantes, au-dessus desquelles s’envolent de jolis papillons. Des oiseaux chantonnent avec légèreté, un écureuil saute de branche en branche.
Un petit goût de paradis où la nature est en éveil permanent !
Debout à l’arrière des pick-up, beaucoup d’hommes utilisent ce moyen de transport pour rejoindre le village. Des motos et quelques bus me font des signes en passant à mon niveau. Mais, la balade de presque une demi douzaine de kilomètres est si agréable que je ne réponds pas à leur appel.
El pueblito !!! Chuao, l’eldorado du cacao distille des airs de bout du monde… où le temps s’est arrêté.
Répertorié il y a plus de 5000 ans, ce hameau de quelques âmes seulement a su conserver le mode de vie et la culture de ses ancêtres africains, des esclaves conduits ici pour remplacer les indiens qui ne satisfaisaient pas suffisamment les conquistadors.
http://www.lexpress.fr/tendances/voyage/chuao-l-eldorado-du-cacao_495617.html
http://www.dailymotion.com/video/xi86zk_chuao-venezuela-source-du-meilleur-chocolat_news
Finalement, ce paradis du cacaoyer et centre du monde des gourmands, se limite à deux rues, pas plus, pas moins. Devant une église blanche et bleue en restauration, un banc sous l’ombre d’un grand arbre, près d’un massif fleuri.
Quelques panneaux et publicitaires vantent avec pédagogie les valeurs du « criollo » et son succès mondial auprès des plus grands chocolatiers. Mais, rien d’autres que cet affichage n’affiche que c’est ici qu’est produite l’une des meilleures fèves au monde.
Pas l’ombre d’un musée, ni d’un vendeur de rue… Il faut faire 3 fois le tour du village pour découvrir, derrière un petit comptoir jaune vif que c’est à cette adresse précisément qu’il est possible de savourer la fameuse sucette au cacao et d’acheter quelques tablettes de cet or brun, dont le secret maya est jalousement préservé.
A Chuao, les habitants vaquent à leurs occupations principales, la relaxation et le savoir-vivre. Attablés joyeusement en famille, ils déjeunent, jouent aux cartes ou aux dominos.
Peu avenants et pas très curieux, juste respectueux, ils me paraissent bien moins démonstratifs que les Vénézuéliens d’origine hispanique.
En même temps, en ce dimanche heureux, farniente et nonchalance sont les maîtres mots de ce petit coin de paradis…
Côté littoral, le « port » s’est transformé en un véritable parking à lanchas, autour desquelles les enfants se baignent. Sur la grande plage, plus protégée du vent que celle de Choroni, de jeunes couples s’enlacent dans la mer.
Comme à Mochima, des buvettes de plage semi-privées offrent tout le service pour rafraîchir et nourrir ses baigneurs. Dans l’une des bicoque, parmi les chiens errant, des enfants dansent sur le fameux « Gangnam style »… Preuve que les goûts évoluent et les tubes font rapidement le tour du monde, au-delà des traditions musicales dans un pays amoureux du rythme.
Au hasard, ignorant tout de l’heure qu‘il est, je monte dans la première lancha qui se présente, deux poissons fraîchement pêchés entre les jambes.
La mer toujours cahoteuse heurte avec force les massifs rocheux.
Au détour d’un cap, la grande baie de Playa Grande apparaît ! Ici, parasols et vendeurs de plage côtoient familles et surfeurs dans une ambiance bon enfant !
Pour beaucoup de Vénézueliens, Choroni reste une destination fort prisée pour s’éloigner des grandes villes le week-end…
Pour me défaire du sel local, une bonne douche me remet d’applomb avant une nouvelle promenade… durant laquelle, je ferais la rencontre de Daniel, un jeune garçon de Maracay. Afin de perfectionner son anglais, il se fera un plaisir de m’accompagner à « Pidiré », un rocher accessible après une courte escalade qui offre un point de vue exceptionnel et sauvage sur toute la baie. Particulièrement romantique à l’heure du « sun-set » ! Mais dans ses bagages, Daniel joue aussi la carte de l’humour… Lorsque nous rejoignons le Malecon, des jeunes s’empressent de nous tarir de questions pour nous proposer diverses drogues et autres substances hallucinogènes.
Nous nous contentons d’acheter un gros poisson pour le revendre plus cher au client suivant, avant de poursuivre notre chemin…
JOUR 13
Après une bonne nuit de sommeil réparateur et agréable (en ne pouvant m’empêcher de maudire le bruit discontinu du ventilateur), avec un confort 4 étoiles, je profite d’un réveil matinal pour vaquer à mes occupations personnelles (écriture, lecture, rangement, etc…).
Impossible de mieux dire, la pousada semblant totalement déserte, comme si elle avait été ouverte rien que pour moi. Un grand luxe sans prix dès lors que l’on a voyagé sur le Caura dans des conditions plutôt modestes.
Aujourd’hui, je choisis l’option « luxe, calme et volupté » en préférant l’escapade en mer à une journée populaire sur le sable chaud de Playa Grande.
A l’embarcadère, je sens légèrement seule. Le week-end étant terminé, tous ont déserté Puerto Columbia pour rejoindre la ville. J’interpelle donc le premier venu devant le « parking » des lanchas.
Mon niveau d’espagnol me pose quelques problèmes de compréhension pour marchander ma journée. Mais, peu importe, me voici partie pour une escapade en mer sous le signe de l’évasion et de la détente.
A bord de la lancha, un homme à la peau cuivrée et son serviteur, Paolo, un jeune métisse qui tente en vain de m’expliquer grand nombre de choses. Parmi toutes les explications, je ne retiens que quelques mots clés, modestes vocabulaire de mon bagage de base.
Aujourd’hui, appelez-moi Robinsonne !
A ceux qui rêvent de plages désertes, j’ai testé l’aventure pour vous ! Je débarque en solo à Playa Seco, totalement déserté ce matin, tout à mon honneur, n’est-ce pas ?
Le petit snack est fermé, mais je me mets à l’abri du soleil, sous les parasols locaux.
Autour de moi, seuls de petits crabes blancs courent dans tous les sens, jouant à cache-cache dans le sable chaud.
Autour de la plage, le paysage me rappelle un peu celui de Mochima, mais en plus verdoyant. Mieux vaut se glisser dans l’eau pour oublier un peu la chaleur !
Devant moi, c’est la « Piscina », un petit périmètre d’eau tiède abrité du vent et des vagues où des dizaines de poissons colorés et de toutes les tailles nagent à contre-courant tout autour des coraux. Grâce à son eau translucide, la « Piscina » est un véritable aquarium.
Finalement, sur une surface relativement petite, on peut observer tous les poissons peuplant la mer des Caraïbes.
Un conseil : se méfier des courants pour éviter de se frotter aux coraux. En effet, peu profonde, dans la « Piscina », les vagues s’éclatent sur les rochers, nous envoyant très facilement contre eux.
Heureusement, j’évite au passage aussi quelques oursins, ces derniers bien plus nombreux que les requins !
Après cette appréciable séance « snorkeling », je surveille de très près les aller-retour des lanchas au large. Mais comment reconnaître au loin mes amis depuis la plage ? Quel est donc le nom de leur lancha ?
N’ayant pas l’heure à portée de main, je perds totalement la notion du temps ; j’ai approuvé l’organisation que l’on me proposait, sans en comprendre les détails, du fait de la barrière de la langue. Voici ce qui s’appelle un vrai « laisser-aller » ! Les vacances ont un effet bénéfique, c’est certain !
Chose promis, chose due. Me voici à nouveau à bord de la lancha en compagnie de quelques vénézuéliennes cette fois-ci (encore une fois, c’est toujours moi qui ne fait pas « couleur locale » !), pour rejoindre Cepe, en passant par Chuao.
Petit havre de paix, Cepe, à quelques âmes de plus que Playa Seco et quelques bicoques en front de mer qui font office de restaurants. Les vagues se brisent sur le rivage.
Quelques plagistes s’abritent sous les cocotiers qui bordent la plage.
Ici, pas de piscine naturelle ou alors celle-ci est aujourd’hui découverte à cause des petites marées qui régissent la côté. Ca et là, quelques pêcheurs de crabes marchent justement sur les rochers découverts. Dans ces derniers, des colonies entières d’oursins.
Un peu plus loin, je me lance dans une petite séance d’escalade sans me faire mordre les doigts par les gros crabes rouges cette fois-ci, dans l’objectif de récupérer « el camino » qui rejoint la crique voisine.
Une fois encore, la mer est basse et les vagues ont une force impossible à vaincre. Une baignade dans les rouleaux m’offrira un peu de fraîcheur, tout en m’ouvrant l’appétit.
Mes amis de retour de leur course en mer, m’accompagnent au restaurant de leur connaissance où une famille nombreuse vient s’attabler. Le métissage est surprenant et les nombreuses petites filles sauront jouer de leur charme pour m’attendrir. On m’installe à côté d’eux, à peine en retrait.
Mais je ne déjeunerais pas seule pour autant, mes deux compagnons de lancha, ainsi que le propriétaire du restaurant partageront ma table.
Encore bien loin des clichés touristiques, voici un nouveau moment insolite qui se présente. Une rencontre assez inespérée, encore une fois pour m’imprégner de la culture locale et progresser dans la compréhension de l’espagnol. Pour le trajet retour, nous récupérons quelques têtes féminines vénézuéliennes qui ne seront pas déçues du voyage.
Les vagues sont de véritables lames sur lesquelles s’écrasent sans pitié notre lancha. Peu après Playa Seco, des pêcheurs récupèrent le fruit de leur pêche, dans un espace délimité par des bouées.
Ce sont ces gros poissons fraîchement pêchés que je reconnaîtrais à la « criée », devant l’embarcadère, ou tout simplement vendus dans les rues de Choroni. Leurs écailles brillent sous le soleil, tout en continuant à nous faire de l’œil ; leur fraîcheur est indiscutable !
Ici, les pêcheurs démêlent leurs filets avec passion et patience.
Une petite virée sur le mirador me hissera au-dessus des toits de Choroni. Au loin, le soleil descend tranquillement sur une mer aux 1001 reflets, que survolent quelques pélicans.
Encore une fois, la nature m’a charmée, me laissant impuissante. Observatrice et passive. Si les voies de la nature sont parfois impénétrables, on se sent réellement bien vulnérable devant sa beauté.
Une dernière virée à Playa Grande à l’heure à laquelle tout le monde boucle ses affaires, me donnera une légèreté supplémentaire pour absorber cette fin de séjour en toute sérénité.
Suivent deux rencontres consécutives avec deux personnes connaissant quelques mots de français ; c’était presque inespéré, à quelques heures seulement de mon départ.
A contrario, le centre de téléphonie que l’on m’avait indiqué a conservé ses portes closes durant toute la durée de mon séjour. A part lui, pas l’ombre d’un seul cyber café dans les rues voisines. Serait-ce l’effet « wifi » ?
Choroni est finalement à l’image du reste du pays, l’essentiel des touristes restant concentré sur l’île Margharita. Un immense pays, métissé et coloré dépourvu de toutes infrastructures pour occidentaux en mal d’exotisme.
Où l’authenticité prime sur la superficialité et le cœur des vénézuéliens vaut bien plus qu’un établissement « all-inclusive ». Quand sensibilité et chaleur allient rencontres et émotions au temps présent.
Au loin, la nature est plus belle que jamais, éternelle, intouchable. Ici, c’est une richesse sans prix qui m’a séduite, réchauffant mon âme d’une musique douce et mélodieuse, attachante et pleine de vie.
Le Vénézuela m’a ouvert grand les bras le temps d’une superbe aventure.
C’est la fin d’une très belle histoire…
L’aventure se termine, mais une passion est née. Un attachement si grand qui me relie à ce qui me paraissait être l’inconnu il y a une dizaine de jours seulement.
Le temps paraît si court pour un tel sentiment. Et pourtant, le sentiment est bien réel et la peine intense. Mais, cette flamme qui ne s’éteindra pas m’offre une lueur d’espoir, plus qu’un simple rêve où solitude n’est plus.